Centre Ouest · 7 décembre 2001 · LA BÊTE DANS LA JUNGLE

Centre Ouest · 7 décembre 2001 · LA BÊTE DANS LA JUNGLE
Un miracle d'une fulgurante beauté.
Presse régionale
Critique
Christophe Deshoulières
07 Déc 2001
Centre Ouest
Langue: Français
Tous droits réservés

Centre Ouest

7 décembre 2001 · Christophe Deshoulières

Muet d'admiration

Les repères culturels sont brouillés ? On ne sait plus quoi dire et surtout comment le dire ? Tant mieux : le théâtre en profite pour vivre le miracle.

Novembre, début décembre... La pire saison pour les dépressifs chroniques (et le chroniqueur mélancolique) devient, d'année en année, la meilleure pour le spectacle vivant - y aurait-il un rapport de cause à effet ? Entre le mal de vivre de journées de plus en plus courtes, sombres et froides, et le bonheur de soirées de plus en plus longues, intelligentes et belles ? La grâce, c'est d'applaudir la nuit Duras selon Vigner, Claudel selon Jocelyn, Romains selon Villégier, Maeterlink selon Beaunesne et Brook selon Brook... La déprime, c'est d'essayer d'écrire le jour des papiers gris qui rendraient compte valablement des miracles artistiques divers que ces spectacles inattendus - et même inespérés - produisent. Car jamais le théâtre n'a aussi peu correspondu aux projets politiques et culturels bavards que les grandes années d'expérimentation de la mise en scène (1960-1980) nous promettaient utopiquement...

Et pourtant, çà et là, se manifestent, non les signes d'un renouveau ni évidemment d'une  nouvelle théorie fédératrice, mais les " éclats de grâce " d'un art épanoui.

Comme si les comédiens ne s'inquiétaient plus, l'espace d'un soir, d'une mort déjà trop de fois célébrée... Tels les survivants des sanglants totalitarismes, les comédiens jouent dans les ruines des grands systèmes de mise en scène - et cela produit un miracle comme La Bête dans la jungle au Théâtre de Lorient (oui, très loin de Paris !), dont la fulgurante beauté retire notre parole des catégories critiques admises, propres en ordre. Alors comment écrire "dessus" sans ressembler au pigeon qui souille la statue d'un jardin public ?

La Bête dans la jungle - ça, c'est quelque chose ! Mais comment en rendre compte ? Il y a des films comme ça (Le Miroir de Tarkovski) qu'on ne comprend pas rationnellement mais qui vous font pleurer à chaudes larmes - relativité de l'intelligence et de l'idiotie !

On peut quand même vous informer que c'est joué par Jutta Johanna Weiss et Jean-Damien Barbin et que c'est (sinon le plus beau) le plus fort, nécessaire spectacle de ces derniers temps - hors des saisons qui définissent l'histoire, au-delà du rythme obligé des chroniques.