Le Monde
14 mai 1996
Pierre Corneille le magicien de Nanterre
Eric Vigner met en scène L'Illusion comique
CONSIDÉRÉE par Louis Jouvet comme « une oeuvre mystérieuse, peut-être hantée », adulée par Giorgio Strehler, qui l'a mise en scène à l'Odéon en 1984, L'Illusion comique, de Pierre Corneille, règne comme un sphynx sur le théâtre classique : que cache cette histoire d'un père parti à la recherche de son fils ? Roman d'apprentissage, conte philosophique, rêverie sur le théâtre, la pièce de Corneille est d'abord un grand exercice de magie. Éric Vigner l'a bien compris : il mise sur l'humilité d'un plateau nu, où tout se joue entre ombre et lumière, dans un jeu de miroirs troublant. Sous le regard magnifique du vieux père (Guy Parigot), Matamore (Grégoire OEstermann) entraîne la troupe dans une ronde rêveuse et profonde, où la la vie se teinte d'une mélancolie qui ne s'avoue pas : celle d'un monde qui permettrait de rêver les yeux ouverts. C'est apaisant.