Nova Magazine
Mai 1996
À 30 ans, quand il présente L'illusion, Corneille la nomme "son étrange monstre". La pièce défie les lois du genre classique. Un père à la recherche de son fils décide de consulter un magicien dans une sombre grotte. Dans des costumes somptueux, les comédiens d'Eric Vigner jouent dans une forêt de plaques de verre. Un quatuor à cordes occupe la petite fosse au centre du noir plateau. Sous les lumières, les corps se démultiplient au hasard des transparences, des réflexions. La vie de Clindor se joue devant nous jusqu'au duel final, jusqu'à sa mort. Son vieux père et Alcandre assistent à tout. L'illusion est totale, le vieux père en larmes. Bien vite, les acteurs se relèvent pour toucher leurs cachets. Ce n'était que du théâtre. En 1636, Corneille écrit la première pièce virtuelle : alors nommée "mise en abyme". Un rêve comme une poupée russe où des spectateurs en observent d'autres, témoins à leur tour d'une illusion bien réelle. Vigner en donne une lecture limpide et rare.