Le Télégramme · 15 janvier 1996 · L’ILLUSION COMIQUE

Le Télégramme · 15 janvier 1996 · L’ILLUSION COMIQUE
Jeux de miroirs
Presse régionale
Critique
S.V.
15 Jan 1996
Le Télégramme
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Télégramme

15 janvier 1996 · S.V.

Jeux de miroirs au Centre Dramatique de Bretagne  · 1, 2, 3... l'illusion !

Théâtre de Lorient, an 1.

Un étonnant jeu de miroirs a levé le voile sur la saison 96 du Centre dramatique de Bretagne. L'Illusion comique est un jeu de dupes, peut-être. Un plaidoyer pour le théâtre, sûrement.

Le rideau est resté ouvert de bout en bout (cinq actes). Quand la représentation a débuté, la salle est restée éclairée. Comme si le public devait être aussi l'acteur de la soirée...

Les "spectres"

Corneille a fait, dans l'Illusion comique, du théâtre lui-même le sujet de la pièce. Un vieil homme, Pridamant (Guy Parigot), s'en remet au magicien AIcandre (Eric Guérin) pour retrouver son fils Clindor (Eric Petitjean), disparu dix ans plus tôt.

Le magicien entraîne le père dans une grotte pour lui révéler le passé et le présent du fugitif. Vigner a mis en scène la représentation. La "grotte" est sur scène, une scène dépouillée, où sont installés des panneaux de verre sur les côtés et au fin fond. Autant de panneaux qui réfléchissent les "spectres" qui défilent. Autant de boxes transparents, de coulisses apparentes où se joue aussi la comédie de la vie. Alcandre, l'auteur du récit, Pridamant, spectateur, et les autres, acteurs, sont en scène. Ces autres sont comédiens de théâ- tre, va révéler le magicien.

Le réel et l'imaginaire

Le public est ainsi invité à osciller entre le réel, l'imaginaire, et leurs représentations. Le texte est difficile, mais superbe. La dramaturgie est complexe. Tous les personnages sont menteurs. Ils mentent avec aplomb. Avec talent.

Dans le genre "allumés", il y a Adraste et Matamore, amoureux éconduits, pathétiques et/ou ridicules. Matamore, à force de confondre la vie et la scène, le réel et l'imaginaire, évolue dans le mensonge. Tous les acteurs sont bons dans cette pièce. Les tempéraments des uns et des autres sont bien différents, mais le courant passe. Le tragique, la comédie, la tragi-comédie se succèdent et s'entremêlent.

Le chemin du théâtre

Étonnant, il n'y a pas de personnage principal dans I'Illusion comique. La vie de Clindor en est le sujet. Mais Matamore, Adraste, Lise et Isabelle sont également présents. Le héros est peut-être bien Pridamant, présent de bout en bout. Ou Alcandre, qui semble tout savoir. Si c'est le cas, s'il est effectivement l'auteur du récit, il doit savoir gré au metteur en scène, qui a accordé la primauté au texte et aux acteurs.

Car l'Illusion comique est avant tout un texte magnifique, que les premiers auditeurs ont dévoré. La balade, entre l'être et le paraître, est parfois difficile à suivre. Mais le chemin du théâtre qui explore les deux facettes, mérite d'être emprunté.