Sud Ouest
12 avril 1996 · SOPHIE AVON
L'une des difficultés de l'Illusion comique tient sans doute en ce que rien n'y est réel. Spectacle dans le spectacle, sortilège dans le sortilège, la pièce démarre sur la recherche d'un père partant à la rencontre de son fils, puis s'écarte du sujet pour embrasser ailleurs une aventure amoureuse où défilent des personnages emblématiques (Matamore, en particulier) et des situations en trompe-l'oeil. Rien n'est réel mais tout est vraisemblable, et si Corneille s'est livré à cet exercice de prestidigitateur, rendant hommage au théâtre qui imite la vie et enseigne à un père la tolérance, c'est au prix d'une magie visuelle dans laquelle la langue, elle, est bien réelle.
En montant cette comédie féerique, Éric Vigner rend à son tour hommage à la scène et aux acteurs, contraints de jouer la distance tout en proposant un message de vérité. Le texte donc, y est scrupuleusement respecté et ses effets n'en sont que plus efficaces, la scénographie faisant le reste : parti pris de miroirs et de mirages fugitifs quand les panneaux de verre qui délimitent l'espace renvoient l'image ou la révèlent.
L'idée de ce jeu de reflets et de transparences est magnifique et donne à, cette Illusion de quoi nourrir le rêve. Car l'Illusion comique est un songe avant d'être un manifeste, un songe où les fantômes passent, incarnés juste ce qu'il faut par des comédiens à l'interprétation tour à tour grave, burlesque et parfois ralentie, mais dont la lenteur souligne justement cette impression d'une pièce rêvée pour un théâtre de rêve.