Nord Eclair
09 mars 1996 · F.F.
Quand avec Corneille, les Comédiens Bretons font "L'Illusion"
On n'attend pas forcément Pierre CorneillE à ce tournant avec L'illusion Comique mais qui était ce que l'on appelait à son époque un caprice theâtral. Il n'y en a pas moins de l'honneur, des intrigues amoureuses, des traîtres et des faquins, l'un qui meurt, l'autre qui tue. Il y a la douleur des amours vaines. Mais n'en disons pas trop, Corneille nous avertit : "Que vous auriez d'esprit si vous saviez vous taire".
Pour cette Illusion là, il y a un magicien et l'on joue la comédie de la tragi-comedie. Car le théâtre est dans le théâtre où la tragédie et la farce se cotoient pour le meilleur du jeu de théâtre. Et le public a apprécié trois soirs de suite à l'hippodrome.
Un excellent quatuor à cordes rencontre la musique des vers cornéliens chantés par de belles voix de comédiens (du Centre Dramatique de Bretagne) et l'on goûte au passage au charme d'un langage désuet.
La mise en scène d'Éric Vigner promet quelques surprises. On évolue dans une galerie des glaces autour d'un précipice. Et c'est le régime de la douche écossaise avec drame sombre et franche comédie avec des moments fort heureux quand, par exemple, surgit Matamore, fanfaron, "prince des fous", une sorte d'Attila flanque d'un soudard aussi pittoresque mais moins placide que le zouave du pont de l'AIma. C'est Clindor, personnage essentiel.
Il serait vain de vouloir raconter. Ce qui est remarquable, c'est le soin apporté au coup d'oeil avec des éclairages que l'on peut d'ailleurs contester mais qui sont étudiés.
Mais c'est surtout le jeu des acteurs. Les textes sont si bien dits que le rythme de la pièce en souffre même un peu, mais si peu. Et chacun à sa place, avec le ton qu'il faut, participe à cette trés sérieuse mascarade qui peut dérouter d'ailleurs car on ne se prend pas d'emblée au jeu du jeu dans le jeu. Mais on y entre tôt ou tard. C est vrai qu'on a le temps. "L'Illusion" vous tient en haleine, deux heures trente durant. Sans fatigue.