Le Nouvel Observateur Télé
29 octobre 2009 · Marjolaine Jarry
Le roi de la glisse · Adepte du moonwalk et promoteur d'un art du décalage, le comédien MICHA LESCOT électrise SEXTETT, au Théâtre du Rond-Point
II danse le moonwalk comme on se brosse les dents. Chaque soir, avec un naturel confondant. Son truc à lui ? Un doigt de cirage sous la semelle. "J'adore Michael Jackson, c'est une petite dédicace." Pour MICHA LESCOT, 35 ans, le théâtre est un sport de glisse. Avec SEXTETT, il est servi : le terrain est glissant, voire verglacé. Il joue Simon qui doit faire face, le jour de l'enterrement de sa mère, à cinq femmes, incarnations de ses désirs et de ses peurs. Au milieu d'un décor furieusement seventies, ce dandy dégingandé en costume noir est une sorte de James Bond flegmatique qui se méfierait des James Bond girls - à sa très collante collègue, qui se désespère et lui demande s'il est gay : "En ce moment, oui, je suis gay, Claire."
Dans cette comédie (souvent) musicale, boursouflée de cauchemars et de fantasmes, creusée par le deuil, le rire déboule à revers, fruit d'un décalage chronométré. Il suffit d'un solo de Simon qui prend le micro pour raconter sa première fois, ou même d'un seul geste : au lever de rideau, MICHA LESCOT, silencieux, droit comme un i d'un bon mètre quatre-vingt-dix, tout en jambes, promène lentement sa main devant lui et s'arrête au niveau du sexe, centre névralgique de toute la pièce. Quand on lui parle de son corps, il croise ses bras, cache dans un réflexe ses mains immenses. "Une fois, au cinéma, on m'a dit : "Tu es impossible à cadrer"."
Heureusement, les exhortations du metteur en scène Gérard Desarthe l'ont convaincu d'en faire un atout. Récompensé par le molière du meilleur jeune espoir masculin en 2005 pour sa prestation dans Musée haut, musée bas, le comédien a aussi été applaudi dans Jusqu'à ce que la mort nous sépare, premier épisode du feuilleton théâtral imaginé par Rémi De Vos, dont SEXTETT est la suite ; applaudi également dans la Seconde Surprise de l'amour, mise en scène par Luc Bondy, où il jouait un irrésistible Chevalier ; ou encore dans Un garÇon impossible, sous la direction de Jean-Michel Ribes, où il goûta, par la grâce de chaussures à roulettes, à "la glissade ultime".
Il aime Cary Grant, adore Jim Carrey, idolâtre Buster Keaton. Dissociant à loisir parole et geste, il n'aime rien tant qu'envoyer valser la psychologie. En décembre, le corps de MICHA LESCOT s'effacera derrière sa voix. Dans un dessin animé attendu sur France 3, il prêtera celle-ci à... Gaston Lagaffe. "C'est marrant, on m'a souvent dit que je lui ressemblais." Pourquoi ? Peut- être à cause de sa mèche brune, de son air lymphatico-élastique. Et sûrement à cause de cette faculté qu'il a de nous entraîner sans réserves dans son "comic trip".