Les 10 ans du Quartz · Jean-François Josselin · LA PLUIE D'ÉTÉ

Les 10 ans du Quartz · Jean-François Josselin · LA PLUIE D'ÉTÉ
Les 10 ans du Quartz : M. Duras et La Pluie d'Été à Brest.
Commentaire & étude
Jean-François Josselin
1998
Le Quartz Scène nationale de Brest
Langue: Français
Tous droits réservés

Commentaire rédigé par Jean-François Josselin pour les 10 ans du Quartz, in Le Quartz 1988-1998

De toutes les soirées organisées par le magicien discret, secret Jacques Blanc, auxquelles il m'ait été donné d'assister, la plus étrange mais aussi la plus charmante fut peut-être, sans doute La Pluie d'été, ce spectacle inspiré à Éric Vigner par un texte de Marguerite Duras. On disait Marguerite malade. On ne l'espérait pas. Elle fut à l'heure, avant l'heure même avec son jeune compagnon Yann Andrea. Plus durassime que jamais avec son visage rond indochinois, ses yeux étincelants de vie, sa bouche de vamp hollywoodienne.Il y avait là aussi, je me le rappelle, Michel Cournot et Martine Pascal qui s'apprêtait à jouer La Musica Deuxième avec sa maman, l'exquise Gisèle Casadesus.

La scène, c'est le cas de le dire, ne se passait pas au Quartz mais à Lambézellec dans un vieux cinéma de quartier, le Stella. Jacques Blanc, à l'entrée de la salle, avait salué Marguerite avec des mots comme : nous sommes heureux de vous accueillir au Stella de Lambézellec et Marguerite avait cru comprendre qu'il s'agissait non pas d'une salle mais d'une dame de vieille noblesse bretonne. Aussi bien commença-t-elle par maugréer : eh bien, moi, je ne suis que Marguerite Duras. Mais ce malentendu ne gâcha pas son plaisir, ni le nôtre. Car le spectacle d'Éric Vigner était une belle réussite. La plus satisfaite fut sans discussion Marguerite. Debout sur son siège, elle était si petite ! Elle donna le signal des applaudissements et veilla à ce qu'on les prolongeât jusqu'au déraisonnable.

C'est qu'elle s'aimait, Marguerite - ce qui est autant une forme de simplicité que d'orgueil. Et puis vint le moment des libations. On savait Marguerite formellement interdite d'alcool. Elle y alla de la coupe de champagne jusqu'à l'heure où le carrosse de Cendrillon devient citrouille. Et où nous décidâmes d'aller nous coucher. Mais pas Marguerite. Avec Yann, Éric et les comédiens, elle descendit la rue de Siam jusqu'au quartier des bouges où de minuit à l'aube elle renoua avec ses amis les marins dont certains, c'est sûr, devaient venir de Gibraltar...