Lorient, Mardi 14- août 2001
Essais, déception, on n'entend rien.
Qu'est-ce que cela veut dire, "ne pas entendre le texte" ? La formule est couramment employée par les metteurs en scène. On pourrait croire qu'elle porte sur la hauteur de voix, l'articulation des acteurs. Il n'en est rien. On pourrait penser que la négation accuse l'absence de sens clairement énoncé, l'inaptitude à faire partager un point de vue, et leur corollaire : le manque d'intentions et d'humeur lisibles par le spectateur. Là encore, il y a erreur.
"Entendre" ou "ne pas entendre" le texte est une histoire d'entente, à tous les sens du terme : on se met d'accord, la plupart du temps tacitement, sur l'écoute qu'il faudra induire chez le spectateur ; on définit, empiriquement, au fur et à mesure des répétitions, une posture athlétique d'énonciation qui ne peut s'élaborer qu'à partir d'une certaine lecture, non pas entendue comme interprétation savante du texte, mais plutôt comme aventure sensorielle, intime qui cherche à rencontrer, à provoquer les sensations du public. "Je n'entends pas le texte" veut dire, ici : "Moi qui t'écoute, je ne suis pas rendu à l'intimité de ma propre lecture. Je ne comprends pas en moi le prolongement des sons que tu émets. Ce n'est pas toujours que tu parles trop vite, où trop fort ou trop haut. C'est une affaire de mouvement. C'est une affaire d'oralité".
"Faire entendre le texte" est aussi un acte ironique : c'est dire une chose et laisser parler son contraire. Ce qui est sûr, c'est que, lorsque "ça parle" vraiment, tout le monde sait qu'on "entend le texte".
Éric a beaucoup parlé. Il revient toujours sur les mêmes points : ne pas construire logiquement l'ensemble ; juxtaposer une série de fragments ; trouver le processus par lequel chacun se développe ; être sensible aux échos ; "jouer la tête vide" ; aller et venir ; travailler sur le processus intermittent de la mémoire - faillites et visions - ; déplacer la situation d'énonciation : ce sont des acteurs qui détruisent ou inventent le théâtre ; être d'une "merveilleuse" ironie : privilégier les paradoxes dans le texte et dans le rapport texte/figures ; poser toujours la question : comment entrer dans le tableau ?
La répétition se termine tôt. Les acteurs dorment sur le plateau.
Toucher le visage/défaire la figure.
Impossible de retrouver l'enregistrement du 30 juillet.