Lorient, mardi 7- août 2001
Répétition du tableau I
Comment ça commence ? Où sont-ils au début ? À qui s'adressent-ils ? Quand s'adressent-ils aux spectateurs ? "Ouvrent-ils" l'adresse ? Le tableau est-il un référent visible, désigné d'un geste, apporté devant le public ? Comment éviter la conversation ? Certaines parties du texte sont-elles nécessairement conversationnelles ? Comment cela peut-il être drôle ? Comment entrer dans le tableau ? Entrer avec le tableau ?
Séquence 1 : JUTTA décide de porter le tableau du quatrième marquis. Elle est de dos, à cour ; de la salle, on ne voit pas le tableau. Jean Damien est couché à jardin, comme ISABELLE HUPPERT dans ORLANDO; il tient dans sa main droite une baguette de bambous, celle que brandit sur le tableau le personnage peint par VAN DYCK. Elle s'avance vers lui, se retourne quand elle est arrivée jusqu'à lui, de sorte qu'on voit le tableau. Elle commence à dire le texte. Arrêt.
Une chaise est ajoutée derrière le rideau de bambous pour que les comédiens puissent s'en servir s'ils le désirent.
Séquence 2 : JUTTA est derrière le rideau de bambous ; elle apporte la chaise à quelques centimètres du centre du plateau, à jardin, devant le rideau de bambous, derrière le podium de bois ; JEAN-DAMIEN s'assoit dessus. JUTTA va chercher derrière le rideau de bambous une deuxième chaise qu'elle place ensuite devant le rideau de bambous, à quelques centimètres du plateau, à cour. JEAN-DAMIEN se lève et va s'asseoir sur la deuxième chaise. JUTTA va chercher le tableau, revient de dos au centre du plateau, se retourne - on voit le personnage peint par VAN DYCK - et pose le tableau sur la chaise vide. Se tient derrière. Elle commence à dire le texte jusqu'à "il y a tant de choses que vous n'avez pas encore vues".
Éric dit qu'il ne faut pas s'embarrasser avec les chaises, que la question du dépôt des tableaux se pose - faut-il les placer à l'avant-scène ?-. Il précise à JUTTA qu'elle peut jouer avec n'importe lequel des tableaux mais qu'elle doit alors venir du plus loin possible du plateau et remonter à l'avant-scène.
Séquence III : JUTTA vient à l'avant-scène avec une des plus grandes toiles si bien qu'on ne la voit pas derrière. Elle pose le tableau à jardin, en avant-scène.
Éric : C'est trop compliqué.
Séquence IV : JUTTA va chercher l'autoportrait de VAN DYCK, derrière le rideau de bambous, arrive au centre de la scène, se tient un instant immobile derrière le rideau, dépasse le rideau, commence le texte. JEAN-DAMIEN se rapproche. Ils regardent ensemble, de très près, le tableau. Ils jouent une partie de la scène comme si le tableau était le miroir de JEAN-DAMIEN.
Séquence V : JEAN-DAMIEN est de dos, devant le rideau de bambous, au centre. JUTTA entre lentement, au centre, avec le tableau du quatrième marquis. Début du texte.
JEAN-DAMIEN : On peut essayer sans que ce soit JUTTA qui amène le tableau ?
Séquence VI : JEAN-DAMIEN est au centre de la scène, devant le rideau de bambous, de trois quarts dos vers le fond du plateau ; il tient le tableau du quatrième marquis en l'air, à bout de bras, jambes écartées. JUTTA est en avant-scène à jardin, tournée de trois quarts vers lui ; elle le regarde et parle.
JEAN-DAMIEN essaie plusieurs positions avec le tableau dans les mains : sur le podium, derrière le podium, à bout de bras, de biais en l'air, contre son buste... JUTTA essaie de trouver la place d'où elle pourrait le regarder : à jardin, sur le podium, devant le podium, dans la salle...
Elle se rapproche : ils jouent tous les deux sur le podium en regardant le tableau, qui disparaît un peu derrière le rideau de bambous à jardin.
Éric : Ce n'est pas ça, le début. Ce qui est intéressant ce n'est pas ce qui est montré mais ce qu'il y a derrière le rideau.
JUTTA : Mais là on marche tous les deux dans la même direction, autour d'une action qui nous plaît. Alors pourquoi ne pas continuer à chercher ?
Éric : Si ça marchait hier à ce moment-là, c'est parce qu'ils n'avaient pas besoin de support pour passer le rideau, plus besoin d'images.
JEAN-DAMIEN : L'objet est peut-être en trop. Hier, il était très concrètement derrière mais c'est nous qui le faisions exister devant.
Éric : Il lui fait une proposition de jeu. Elle accepte. Hier, la clownerie était possible. Aujourd'hui avec le tableau, c'est difficile.
JUTTA : Je peux présenter le quatrième marquis comme un partenaire qui ne va pas jouer dans le numéro que je propose_ et le faire disparaître...
Éric : Non, ce qu'on a fait hier est plus intéressant. Il n'y a pas d'objet. Il n'y a pas de pièce. C'est bien ça l'insolence : nous faire croire qu'il y a une pièce et il n'y en a pas. Et puis j'ai le sentiment que ça passe toujours par le public. Le clown et l'Auguste passent toujours par le public.
Après quelques essais de jeu derrière le rideau pour voir quelles images peuvent naître et quelles distances créent des effets intéressants, les acteurs travaillent le premier tableau sur le podium, assis ou debout en se tenant à distance l'un de l'autre. Cela confirme que la proximité est plus intéressante : ils essaient alors de dire le texte assis, dos à dos, à cour. Cette figure nous paraissait la plus étonnante hier car elle n'imposait "aucune direction trop affirmée" et "installait de la douceur entre eux". Enfin, malgré l'aveu de leur préférence, les acteurs reprennent la pose dite maintenant "des gisants", celle ISABELLE HUPPERT dans ORLANDO : ils sont allongés, tous les deux, dans la même position, l'un derrière l'autre, côté cour. C'est elle qui occupe l'extrémité du podium. Chacun a les pieds superposés, plus à jardin que sa tête.
Le travail précise le découpage de la scène en plusieurs fragments et les moments d'ouverture vers le public. Les ruptures ne sont pas encore assez sensibles. Les acteurs, immobilisés, trouvent les moyens de mouvements gémellaires.
C'est elle qui, placée derrière lui, prolonge, imite, complète le plus souvent les gestes de son partenaire : on garde surtout le fait que JUTTA lève la tête quand JEAN-DAMIEN le fait.
La "pensée de femme" sera dite au centre du podium.
Ils essaient de se lever, de travailler sur d'autres figures : il y en a évidemment beaucoup trop.