Actualité de la scénographie
Décembre 2001
La bête dans la jungle
Ce bref roman de Henry James (1896) révèle de belle manière l'un des aspects marquant d'une oeuvre littéraire parmi les plus importantes du début du XXesiècle. Une prospection de la complexité de l'être, insidieusement menacé par un mal imprécis mais terrible. C'est ce que l'on retrouve dans ce texte, adapté pour le théâtre par James Lord, et dans une version française par Margueritte Duras, d'abord 1962, puis en 1981. Une histoire mystérieuse dont la part énigmatique reste en suspension, à travers la relation étrange qui réunit John Marcher et Catherine Bertram (excellents et lumineux Jean-Damien Barbin et Jutta Johanna Weiss), dans le partage et la quête d'un destin improbable à l'ombre de la "Bête".
La mise en scène et la scénographie d'Éric Vigner ne font qu'un pour orchestrer, avec une acuité sensible - et- vibrante, la musicalité et le rythme du texte de Duras, et pour rendre palpables les tensions intérieures des personnages, plongés dans une aventure troublante et déchirante. Sans romantisme ni réalisme, dans un dosage savant de références picturales et musicales, de jeux d'ombres et de lumières, d'humour et de mélancolie, naissent des images mouvantes aux confins du réel et de l'illusion. Un spectacle envoûtant, qui est aussi un beau questionnement du théâtre.