Thème du miroir et du double · LA BÊTE DANS LA JUNGLE

Thème du miroir et du double · LA BÊTE DANS LA JUNGLE
John-Narcisse et May-Echo
Dramaturgie
Bernard Terramorsi, Henry James
Sources multiples
Langue: Français
Tous droits réservés

Thème du miroir et du double

Tableau V:

Catherine : Je n'ai rien à dire de ce genre, John, je n'ai pas à juger de cette chose, il ne s'agit que de ma croyance.

John : Pour moi, vous avez toujours eu raison Catherine. Vous m'abandonnez.

Tableau VI

John : Votre voix Catherine est celle de la loi. Si J'avais une loi, si elle s'était adressée à moi, elle aurait eu votre voix.

Le Coin Plaisant de Henry James, pp-169,170 :

La réaction de notre ami avait été immense avant même qu'il s'en rendit compte, cette plongée dans l'acte de perception, jusqu'au sentiment de l'inscrutable manoeuvre de son adversaire. Du moins, tandis qu'il restait là pantois, interprétait-il ainsi la vision, car il ne pouvait que rester pantois devant son double, devant cette autre angoisse, pan- tois comme devant la preuve que lui, l'incarnation de la vie réussie, savourée, triomphante, ne supportait nas d'être dévisagé dans son triomphe.

Bernard Terramorsi, "Henry James ou le sens des profondeurs" :

May endosse aussi le rôle de la nymphe Echo fascinée par Narcisse et transformée en pierre à cause du dédain de ce dernier. Son amour étant ignoré par John-Narcisse, May-Echo se laisse mourir; en châtiment, John-Narcisse est fasciné par son propre visage et se laisse aussi mourir ; la source du mythe de Narcisse est remplacée par la pierre tombale de May, la seconde excavation du texte. Même sa propre mort ne l'autorisera pas à dire à la place de John ce qu'il ne veut/peut pas dire comme la Gwendolen de LA FIGURE DANS LE TAPIS, May emporte le secret dans la tombe et fait corps avec ce "secret, trésor enterré".

À propos du mythe littéraire de la nymphe Echo, Françoise Graziani relève: "Dans l'interprétation mystique et chrétienne, la voix sans corps et sans substance d'Echo devient un révélateur de la conscience, et intervient dans une fonction initiatique en faveur de son interlocuteur. Car c'est à lui-même qu'en définitive elle renvoie celui qui 1'4:limoge (comme Narcisse à travers son image, finit aussi par se posante' lui-même). Le dialogue avec l'Echo est toujours un dialogue avec soi-même que le sujet n'est pas encore capable d'identifier comme tel : et c'est l'altérité de la parole oraculaire illusoire, non son message."

NARCISSE ET ECHO, Les Mythes Grecs, Fayard, 1958 :

"Un jour que Narcisse était sorti pour prendre des cerfs au filet, Echo le suivit furtivement dans la forêt épaisse, dévorée du désir de lui adresser la parole mais incapable de parler la première.
À la fin, Narcisse s'étant aperçu qu'il s'était égaré et avait perdu ses compagnons cria :
"Holà, y a-t-il quelqu'un par ici ?"
"Par ici !" répondit Echo, ce qui surprit Narcisse, car on ne voyait personne.
"Viens !
"Viens !
Pourquoi me fuis-tu ?
Pourquoi me fuis-tu ?
Rejoignons-nous !"
"Rejoignons-nous !" répéta Echo et, sortant de sa cachette, tout heureuse, elle se précipita pour embrasser Narcisse. Mais il la repoussa brutalement et s'enfuit.
"Je mourrai plutôt que d'être à toi"
"...être à toi", implora Echo. Mais Narcisse était parti, et elle passa le restant de sa vie dans les vallons abandonnés, se languissant d'amour et se laissant dépérir par mortification, au point que seule sa voix subsista".