Extrait · La Vénus et la fourrure · Léopold von Sacher-Masoch · LA BÊTE DANS LA JUNGLE

Extrait · La Vénus et la fourrure · Léopold von Sacher-Masoch · LA BÊTE DANS LA JUNGLE
La loi, la croyance, la honte, Cromwell, le secret...et le masochisme
Dramaturgie
Léopold von Sacher-Masoch
1870
La Vénus et la fourrure
Presses pocket
Langue: Français
Tous droits réservés

La Vénus à la fourrure

SACHER-MASOCH Léopold (von).

1870 PRESSES POCKET 1985. pp. 133-134.

"- Parfait, parlons du tableau.

- Je pense à la déesse de l'amour, descendue de l'Olympe visiter un mortel. Elle a froid, dans notre monde d'aujourd'hui ; aussi bien, elle essaie de se réchauffer. Elle enveloppe son corps sublime d'une somptueuse fourrure, elle cache son pied dans le sein de son amant. Et j'imagine le favori d'une femme-despote, qui fouette son esclave, lorsqu'elle est fatiguée de l'embrasser, son esclave qui l'aime d'autant plus follement qu'elle le foule plus cruellement aux pieds ; et j'intitulerai mon tableau Vénus à la fourrure.

Le travail du peintre avance lentement, mais sa passion augmente d'autant plus rapidement. Je crains que pour finir il ne se suicide. Elle se joue de lui, lui propose des devinettes, qu'il est incapable de résoudre, son coeur menace d'éclater... et elle, elle s'en amuse.

Pendant la séance, elle suce des bonbons, fait de petites boulettes avec les papiers, et l'en bombarde. - Je suis heureux de vous voir d'excellente humeur, madame, dit le peintre. Cependant, votre visage a complètement perdu l'expression dont j'ai besoin pour mon tableau.

- L'expression dont vous avez besoin pour votre tableau? réplique-t-elle en souriant. Patientez seulement un instant.
Elle se dresse et me donne un coup de fouet ; le peintre la regarde fixement, son visage reflète un étonnement d'enfant, où se mêlent l'horreur et l'admiration.

Pendant qu'elle fouette, son visage retrouve de plus en plus ce caractère de cruauté dédaigneuse qui m'enchante si mystérieusement.

- Est-ce maintenant l'expression dont vous avez besoin pour votre tableau ? Crie-t-elle.

Profondément troublé, le peintre baisse les yeux devant l'éclair glacé de ce regard.

- C'est l'expression..., bredouille-t-il, mais je ne peux plus travailler, maintenant...

- Comment ? dit Wanda moqueuse, peut-être puis-je vous aider ?

- Oui, hurle l'Allemand comme un fou. Fouettez-moi aussi !

- Oh, avec plaisir, répond-elle, en haussant les épaules, mais si je fouette, je veux fouetter pour de bon.

- Fouettez-moi jusqu'à la mort ! crie le peintre".