Le Temps
27 décembre 2000
L'astuce de Didon
Avez-vous déjà entendu parler de Didon la Phénicienne? À l'occasion de la dernière étape du tour du monde proposé au long de l'an 2000 par Le Temps, il vaut la peine de s'intéresser à cette femme exceptionnelle. Son nom, Didon, est associé à une ville, Carthage. La cité rivale de Rome se dressait sur le solde l'actuelle Tunisie, dernier pays d'Afrique visité par nos reporters. Didon a non seulement fondé Carthage, mais elle en a aussi édicté les lois.
Quant à son peuple, les Phéniciens, il était célèbre pour son sens des affaires et ses bateaux. Ces navigateurs et commerçants ont aussi inventé un alphabet de 22 lettres qui a servi de base à tous ceux utilisés aujourd'hui... dans le monde! Partis il y a 3000 ans des rivages des actuels Liban et Syrie, ils ont conquis la Méditerranée jusqu'au bord de l'océan Atlantique. Conquérir à la phénicienne voulait dire ouvrir des comptoirs, des ports avec des marchés, pour vendre bois précieux, étoffes, métaux. En créant une ville, Didon a donc suivi la tradition.
Des fouilles récentes réalisées en Tunisie ont confirmé la légende selon laquelle la Phénicienne a fondé Carthage en 814 avant notre ère. Qui était Didon? Elle s'appelait au départ Elissa. Cette princesse était la soeur du roi de Tyr, Pygmalion. Un jour, suite à l'assassinat de son mari par son royal frère, elle a fui la Phénicie en bateau.
Quand elle est arrivée en Afrique, les gens l'ont surnommée Didon. Pour Justin, un historien de l'époque des Romains, ce nom signifie "la femme errante". "Dis donc, nous t'offrons autant de terre que la surface d'une peau de boeuf", ont alors déclaré les gens à l'étrangère. C'était un don modeste, mais l'astucieuse Didon a découpé la peau en lamelles pour en faire un long cordon. C'est par cette ruse qu'elle a délimité le territoire de la future Carthage. Les aventures de la veuve sans terre qui trouve la force de créer en exil une ville inspirent les artistes depuis bientôt trois mille ans.
D'ailleurs, dès le 31 décembre, un opéra italien qui porte son nom sera joué à Lausanne. L'oeuvre du Maestro Cavalli raconte le dernier grand amour de la reine Didon et sa mort.