Dimanche.ch
24 décembre 2000 · Jacques Schmitt
Une Enéide revisitée qui ferait bondir Virgile
Avec LA DIDONE de FRANCESCO CAVALLI, l'Opéra de Lausanne entre dans le nouveau millénaire en offrant l'imagerie d'un mythe vieux de plus de deux mille ans. Tirée de L'Enéide de Virgile, l'adaptation du librettiste Francesco Busenello aurait fait bondir le poète latin. Troisième de ses quarante opéras, La Didone de FRANCESCO CAVALLI connaît un immense succès assurant la réputation "vénitienne" du compositeur. Pour le livret de son opéra, ce disciple de Monteverdi s'associe au poète Francesco Busenello dont il connaît l'originalité. Bousculant le récit de Virgile, le librettiste de LA DIDONE imagine un happy end plutôt que la noirceur du récit mythologique.
Dans ce mélange de situations dramatiques et de scènes plus sarcastiques que comiques, la profusion des personnages (plus de vingt!) sur le plateau n'est pas le moindre des défis. Dire la victoire de l'amour sur la mort, c'est le credo de LA DIDONE auquel adhère totalement le réalisateur de cette production lausannoise, le metteur en scène français ÉRIC VIGNER.
Rencontre avec ÉRIC VIGNER.
Homme du théâtre, c'est votre premier opéra. Considérez-vous cette oeuvre comme une expérience de plus?
EV : - "LA DIDONE, c'est le début du parlé chanté. Il y a très peu d'airs et quelques ariosos. L'intérêt réside dans l'effet qui passe du récitatif au chant. Je ne suis pas loin de mon travail habituel de théâtre. J'ai principalement fixé mon attention sur le poème dramatique de Busenello. Écrit en vers, il a un aspect théâtral prépondérant.
C'est la naissance de quelque chose de nouveau. Le thème reste le roman de Didon et Enée, mais le récit Ce termine non bas sur la mort de Didon, mais sur son mariage avec Iarbe, l'équivalent d'Enée en Afrique. L'ultime mot de l'opéra est : Vie. Un opéra se terminant par le mot "vie, espoir", présenté le 31 décembre 2000, au seuil du troisième millénaire, dans une ère nouvelle, dans une culture nouvelle, ce n'est pas un hasard. j'avais envie de dire quelque chose de plus."
Autre chose que ce que disent les mots?
EV : - "Il m'importe que chaque spectateur puisse se projeter, entendre ce qu'il veut entendre dans le mot chanté. Souvent l'interprète donne son propre sens aux mots. Mon travail a consisté à ouvrir les mots. Les dire avant de les interpréter. Ici, on est dans un paradoxe incroyable. Les chanteurs lyriques de LA DIDONE veulent chanter mais il n'y a rien à chanter. Seuls quelques moments magnifiques, mais avant cela, ils doivent passer par un purgatoire de non-chant."