Petites annonces lyonnaises
30 décembre 2001 · A.M.
Sur les traces de MONTEVERDI
Trois ans après Ambronay, CHRISTOPHE ROUSSET remet LA DIDONE de Cavalli sur le métier. Un superbe spectacle, servi par la mise en scène d'ÉRIC VIGNER, qui ressuscite les raffinements de l'opéra vénitien du XVII' siècle.
Peu de chefs baroques osent s'aventurer au-delà du XVIII' siècle à la découverte de la musique italienne pré-belcantiste. Plus exigeant, moins virtuose pour les voix, le répertoire ancien semble cantonné aux grands opéras de MONTEVERDI.
Mais l'opéra vénitien du milieu du XVII' siècle regorge de trésors encore enfouis dans les bibliothèques. Parmi eux, les oeuvres de Francesco Cavalli, disciple de MONTEVERDI, qui a laissé une immense production que René Jacobs fut l'un des premiers à explorer.
Effectifs réduits, rares interludes instumentaux, alternance de lamentos et de pages plus bouffonnes, cet opéra là acceptait son héritage populaire. Le plus souvent joués dans de petits théâtres, présentés avec des moyens modestes, ils parlaient au coeur.
CHRISTOPHE ROUSSET s'est aussi intéressé au recitar cantando (littéralement dire en chantant) d'une écriture musicale au service du drame.
En 1997, n'avait-il pas animé l'Académie Baroque d'Ambronay avec cette DIDONE de Cavalli sur un livret de Francesco Busenello (l'auteur du livret du Couronnement de Poppée de Monteverdi) ? Avec les moyens plus ambitieux mis à sa disposition par l'Opéra de Lausanne, une distribution de jeunes chanteurs professionnels, il aborde ce chef-d'oeuvre avec un autre regard, celui qu'il partage avec ÉRIC VIGNER, un metteur en scène rompu au théâtre qui fait ici ses premières armes sur un plateau lyrique.
Ensemble, ils signent un spectacle émouvant, d'une rare intelligence musicale et dramatique qui a enchanté le public vaudois. On regretterait même les coupures opérées dans les intrigues secondaires au profit d'un resserrement autour de la destinée d'Enée.
Dans un décor dépouillé, qui ne fait nulle allusion à Troie ou à Carthage, avec une direction d'acteur refusant tout réalisme, le metteur en scène plonge ses héros dans un univers presque irréel. Les costumes aux couleurs franches de Paul Quenson et les corps flirtant avec la nudité suggèrent le monde des songes.
La distribution se plie idéalement à ce regard empreint de sensibilité. Juanita Lascarro (Didon), Topi Lehtipuu (Enée) et Ivan LuDlov (Iarbas) forment le trio gagnant d'un plateau où chacun des membres fait assaut de style et de musicalité pour restituer l'essence de la musique de Cavalli. Dans la fosse, à la tête des Talens Lyriques irréprochables, CHRISTOPHE ROUSSET fait palpiter une partition qu'il a depuis longtemps apprivoisée.
Bref tous les atouts sont au rendez-vous d'une superbe production qui mériterait de tourner après cette création à Lausanne.