Ouest France · 5 janvier 2001 · LA DIDONE

Ouest France · 5 janvier 2001 · LA DIDONE
ÉRIC VIGNER: des premiers pas convaincants dans l'univers lyrique.
Presse régionale
Critique
Pierre Fornerod
05 Jan 2001
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France (Page régionale)

5 JANVIER 2001 · Pierre FORNEROD.

Belle incursion d'ÉRIC VIGNER dans le monde lyrique

Et si les histoires d'amour finissaient bien? En ce début de millénaire, ÉRIC VIGNER veut y croire. Il préfère se placer sous le soleil de la confiance et de l'optimisme pour regarder le futur : "On peut construire l'avenir sur des images positives. C'est peut-être le rôle des artistes, aussi, de donner un message d'espoir et de vie."

Ce message, le directeur du Centre dramatique de Bretagne l'a trouvé dans une version "revisitée" du destin de Didon. La légende veut que la reine de Carthage se soit donné la mort après avoir été délaissée par Énée, son Troyen bien-aimé. Trop triste pour Francesco Cavalli (1602-1676) qui l'a imaginée se consolant dans les bras d'un autre soupirant, le roi larbe.

La postérité n'a pas fait grande place à cet opéra du compositeur vénitien. Il revient à l'affiche du Théâtre de Lausanne, du 31 décembre au 9 janvier, grâce à Christophe Rousset, grand défricheur de partitions oubliées s'il en est, à la tête de son ensemble des Talens Lyriques : "C'est une très belle histoire, une histoire dans laquelle on se reconnaît."

Faire de cet ouvrage un spectacle d'aujourd'hui, c'est le joli pari tenté et réussi par ÉRIC VIGNER, qui en signe une présentation nourrie d'intelligence, de finesse et d'élégance. Son regard oscille habilement entre les époques. Celle de la Venise qui a vu la création de l'ouvrage. Celle de l'Antiquité et de la mythologie censées abriter l'action. Et la nôtre, bien sûr, dont il veut parler, pour faire un spectacle d'aujourd'hui. Ainsi, ces guerriers troyens exterminés par les Grecs ressemblent-ils à des réfugiés de Tchétchénie.

Mais le message est adressé avec la délicatesse et la subtilité d'une mise en scène qui suggère bien plus qu'elle n'impose, au coeur de décors souples et de costumes colorés. Le spectacle, porté par des interprètes juvéniles et inspirés (Juanita Lascarro, très prenante et généreuse, Topi Lehtipuu, superbe d'aisance, Ivan Ludlow, valeureux et bouillant) qu'il a soumis à un vrai travail d'acteurs, ne manque pas non plus d'humour, de références, de clins d'oeil.

Il se vit comme un voyage permanent aux côtés de personnages qui métamorphosent leur destinée au gré des préferences de leur coeur, et dans la lumière de climats habillés des sons d'une musique radieuse de fluidité sous les doigts de ces interprètes sensibles. Avec ces premiers pas si convaincants dans l'univers lyrique, Éric VIGNER conforte la diversité d'un "parcours" qui l'a récemment conduit à mettre en scène L'ÉCOLE DES FEMMES à la Comédie-Française. Il n'oublie pas qu'il s'est d'abord orienté vers les arts plastiques, ni que la musique a toujours accompagné sa démarche. Des passions qu'il réunit dans la réussite de ce spectacle dont on attend maintenant qu'il puisse passer la frontière. Des scènes parisiennes l'attendent, la saison prochaine sans doute, mais il faudra aussi qu'il pousse plus loin; vers l'Ouest de préférence. À Rennes, à Lorient et ailleurs: "On y travaille..."