Le Tout Lyon
16 janvier 2001 · Philippe Andriot
Une DIDONE vénitienne à Lausanne
L'Opéra de Lausanne a inauguré le siècle avec une DIDONE aussi éloignée de Purcell que de Berlioz. Composée par le disciple et successeur de Monteverdi, Francesco Cavalli, contemporaine du Couronnement de Poppée, elle a bien sûr précédé les deux autres (de loin en ce qui concerne Berlioz) et tranche sur la tradition en refusant la fin tragique. La reine de Carthage ne mourra pas sur le bûcher après la trahison d'Enée. En véritable petite bourgeoise, elle se consolera en épousant l'amoureux transi qu'elle avait naguère rendu fou par son refus, le roi des Gétules, Iarba.
L'opéra de Cavalli a été créé à Venise. La mise en scène d'Éric Vigner le souligne : la conquête de Troie par les Grecs est un étrange carnaval où l'on chante masqué et où même les instrumentistes des Talens lyriques, Christophe Rousset en tête, semblent sortir d'un Guardi. L'anachronisme ne gène d'ailleurs nullement une scénographie qui s'enivre de superbes télescopages et d'images sans âge. Christophe Rousset porte cette DIDONE en lui depuis longtemps. Il en a lui-même réalisé la partition puis l'a ressuscitée une première fois avec les chanteurs de l'Académie baroque d'Ambronay.
Aussi la dirige-t-il avec une intensité qui fait constamment palpiter le coeur du mythe virgilien. Son mérite est d'autant plus grand que la partition, reposant sur un quasi recitativo constant, pourrait manquer de diversité par l'absence d'airs et de longs développements. La distribution est mieux qu'homogène et de qualité. En Didon, Juanita Lascarro joue d'un timbre corsé et d'un physique nerveux qui imposent, loin de toute convention, l'image forte de la souveraine africaine (elle chante aussi en première partie la femme troyenne d'Enée, Créuse). Autour d'elle, l'Enée du Finlandais Topi Lehtipuu et son rival, larba (Ivan Ludlow) dominent une distribution nombreuse et sans faille.