La Presse Montréal · 1 septembre 2007 · SAVANNAH BAY (Montréal)

La Presse Montréal · 1 septembre 2007 · SAVANNAH BAY (Montréal)
"MARGUERITE DURAS, elle donne des moyens, un vocabulaire pour faire du théâtre qui est différent. C'est une façon d'envisager un théâtre plus simple, plus lumineux, qui ne s'adresse pas à la tête, mais au corps "
Presse internationale
Avant-papier
Anabelle Nicoud
01 Sep 2007
La Presse Montréal
Langue: Français
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La Presse Montréal

1 septembre 2007 · ANABELLE NICOUD

Deux femmes face à la mer

SAVANNAH BAY, c'est elle, DURAS. Ou la comédienne face à elle-même, sur scène. C'est elle aussi, la jeune femme qui cherche à savoir comment sa mère s'est jetée dans les vagues. Avec SAVANNAH BAY, le metteur en scène français ÉRIC VIGNER, fils spirituel de MARGUERITE DURAS, revient pour la deuxième fois à Montréal à Espace GO.

En 2002, MARGUERITE DURAS entrait à l'Académie française. Sur la grande scène du théâtre Richelieu, ÉRIC VIGNER mettait en scène SAVANNAH BAY. Quelques années plùs tard, c'est au théâtre Espace GO, à Montréal, que le metteur en scène redonne vie à l'une des oeuvres les plus marquantes de MARGUERITE DURAS.

"À SAVANNAH BAY, une jeune femme tombe profondément amoureuse d'un inconnu. Elle a un enfant, mais, raconte ÉRIC VIGNER, "elle a toujours eu un drôle de désir, celui de mourir. SAVANNAH BAY est la rencontre de la fille et de la mère. Ces deux femmes parlent de quelque chose de commun, de ce désir féminin d'aller au bout de ce qu'on voudrait faire, un désir d'absolu."

Comme dans l'œuvre de MARGUERITE DURAS, on retrouve dans SAVANNAH BAY un désir d'amour et d'absolu.

"Il y a dans SAVANNAH BAY un désir d'aller au-delà de l'amour, de mourir d'amour. Et ça, c'est invivable. Toute l'œuvre de DURAS tente de rendre compte et de faire sentir ce sentiment", dit-il.

Dans SAVANNAH BAY, Éric met en scène Françoise Faucher et MARIE-FRANCE LAMBERT. "Je voulais avoir une collaboration plus proche avec le théâtre, et pas me contenter d'amener des comédiennes françaises", explique celui, qui, en 2002, montait l'adaptation de MARGUERITE DURAS de La bête dans la jungle d'Henry James à Espace GO.

À Paris, ce sont Catherine Samie, la doyenne de la Comédie, et Catherine Hiegel qui jouent la comédienne et la jeune femme. L'une vient de la tradition théâtrale française, où la proclamation compte, l'autre a hérité des savoirs d'une école américaine, où l'on se penche sur la psychologie du personnage.

"Entre Françoise et moi, c'est l'inverse," s'amuse MARIE-FRANCE LAMBERT. À mes débuts, j'ai beaucoup appris en observant Françoise, et de me retrouver dans un rapport d'égalité avec elle, c'est vraiment enrichissant. J'ai vraiment été séduite par la proposition d'Éric. C'est vraiment l'écriture qui est mise en avant, ça demande une énergie très forte."

Un choc

Avec SAVANNAH BAY, MARIE-FRANCE LAMBERT a DURAS dans la peau."Je rencontre DURAS à travers Éric. Je me sens très privilégiée. C'est comme un choc dans ma vie, cette rencontre. DURAS, c'est comme un accident. C'est violent, à l'image de son écriture", dit-elle. " Ça demande une énergie très forte. On sort de la pièce, on a l'impression d'avoir fait un marathon."

"C'est très exceptionnel, quand on rentre là-dedans, on nage dans un certain courant. C'est obsessionnel, c'est fatigant", renchérit ÉRIC VIGNER. Quand il rencontre DURAS en 1993, ÉRIC VIGNER est un jeune metteur en scène qui nourrissait, à l'égard de l'auteur "les mêmes préjugés que tout le monde à son égard". Il signera pourtant l'adaptation et la mise en scène de La pluie d'été au théâtre. DURAS voit, DURAS aime. Elle a dit, "lui, je le reconnais", se souvient-il.

Depuis, et malgré la mort de DURAS en 1996, la relation entre VIGNER et l'auteure ne s'est jamais rompue. "Ce qui est le plus magnifique, c'est d'avoir touché cette écriture-là et de la transmettre. C'est vraiment la transmission d'une passion. Et comme dans SAVANNAH BAY, ce qu'on transmet, c'est la vie", juge le metteur en scène. Peu importe, finalement, ce que raconte (ou pas) le texte.
Chez DURAS, l'écriture sert à autre chose. "MARGUERITE DURAS, elle donne des moyens, un vocabulaire pour faire du théâtre qui est différent. C'est une façon d'envisager un théâtre plus simple, plus lumineux, qui ne s'adresse pas à la tête, mais au corps", décrit ÉRIC VIGNER.