Le Télégramme · 14 novembre 1994 · REVIENS À TOI (ENCORE)

Le Télégramme · 14 novembre 1994 · REVIENS À TOI (ENCORE)
Une pièce pleine de non-dits...
Presse régionale
Critique
Éliane Faucon-Dumont
14 Nov 1994
Le Télégramme
Langue: Français
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Le Télégramme 

14 novembre 1994 · Éliane Faucon-Dumont

REVIENS À TOI (ENCORE) : Noir est noir

Le chant d'une cornemuse sans âge comme pour éclairer ou ajouter une touche de regret encore plus grand s'élève en préambule. Lentement, au centre du décor, une lampe s'allume.

Abe, Bruno Raffaelli, Marilu Marini entrent en scène. Celle-ci porte le voile des épousailles mais sa robe est noire. F. P., robe blanche, bouteille à la main, vient à son tour partager ce qui est sans doute l'enfer ou peut-être accentuer ce climat trouble. Tous les trois vont égrener sur le même registre des lambeaux de leur vie.

Pas de message dans la pièce de Gregory Motton mise ici en scène par Eric Vigner, co-scénographe avec Claude Chestier. Simplement, dans un décor, noir et dépouillé, murs de briques sommaires et balcon plus cossu sont les cadres impitoyables d'existences qui ne le sont pas moins. Aucun des acteurs n'a un parcours fleuri mais tous semblent se complaire dans cette fatalité, cette boue qui, peu à peu, les submerge. Un chien aboyant dans la nuit, le son obsédant d'un moteur où la cornemuse (Patrick Molard) accentue encore la misère morale et physique de ces contre-héros.

L'alcool, la précarité, la douleur, la cécité frappent chacun des protagonistes. F. P. entame comme une sorte de danse. Est-elle la file d'Abe ou son (mauvais) génie avant de devenir celui de Mme James?

Pleine de non-dits, la pièce de G. Motton touche au second degré et les personnages nous poursuivent encore longtemps après la chute du rideau.

La boue, cette fois bien réelle, qui se répand sur la scène, le chemin solitaire qu'entreprend chaque personnage, laissent au spectateur le libre choix de son attirance vers tel ou tel personnage à moins que leur humaine médiocrité ne l'en éloigne...

Soulignons le jeu des acteurs, la force qu'ils mettent dans leur jeu, tour à tour cyniques, menteurs, affabulateurs ou plus simplement victimes. Bruno Raffaelli, Marilu Marini trouvent en permanence le jeu juste, le mot, l'attitude, exigés par leur rôle. Alice Varenne montre en plus des dons affirmés pour la danse (un plus pour ce rôle écrasant) qui rajoute encore au caractère tourmenté de l'oeuvre.

Les spectateurs, en majorité des étudiants, venus très nombreux mercredi dernier, vont ménager de nombreux rappels mérités aux comédiens.