La Terrasse · Novembre 1994 · REVIENS À TOI (ENCORE)

Description du doc

La Terrasse

Novembre 1994 · V. L.

Après Claude Régy qui met actuellement en scène le jeune dramaturge dans La Terrible Voix de Satan au Théâtre Gérard Philipe, Éric Vigner se plonge à son tour dans l'univers singulier de Gregory Motton avec Reviens à Toi (encore) présenté fin novembre au Théâtre de l'Odéon.

Il y a chez Gregory Motton de la graine de violence, quelque chose de brut et de fort qui ébranle les consciences et qui, explosif, fouille délibérément dans les profondeurs et les ombres d'une étrange humanité. C'est ainsi qu'il creuse à l'intérieur des êtres et des choses, pour raconter des bouts d'existence en marge, louches et sans repère, bref tout un univers de cauchemar, de douleur et d'exaltation avec ses paumés fin de siècle et ses âmes égarées inlassablement occupées à vivre.

Entre lyrisme et ironie, burlesque et poésie lunaire, la réalité et l'imaginaire empruntent ici des souterrains inconnus d'où jaillissent des énigmes essentielles. Gregory Motton dit tout mais n'explique rien. Son théâtre dépouillé est un théâtre du sentir, avec ses mots et ses visions, ses envols et ses gags. Une sorte de virée initiatique hallucinée qui s'interdit toute psychologie mais qui revendique pourtant aux hommes la nécessité de la poésie.

Ce jeune dramaturge de la scène londonienne se veut délibérément illogique et sans limite, donnant naissance à d'étranges aventures qui surgissent dans la banalité du quotidien, s'inventant des instants de vie et de mort avec la même rapidité, la même folie, pour finalement bouleverser l'ordre des choses et sombrer dans le fantastique. Motton observe ainsi pervers le mystère de l'existence et évoque avec une dimension poétique certaine la réelle difficulté d'exister.

Profondément humaniste, il dénonce avec grâce et dérision les petites misères du monde et au-delà la beauté singulière et touchante de la vie. Imposant sa vision prophétique d'une Angleterre d'aujourd'hui avec ses "fashion victims" et ses oubliés de l'histoire, cet auteur British et arrogant affronte ainsi son époque, caustique et efficace, défiant impur et dur toute convention, n'en déplaise à ceux qui détestent mais qui respectent tout de même, perplexes. Question de style.

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