Techniques & architecture · Août 2006 · PLUIE D'ÉTÉ À HIROSHIMA
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Techniques & architecture
Août 2006 · Marie-Christine LORIERS
Éric vigner et M/M
Un plan de scène bifrontal creusé pour les acteurs et les spectateurs dans une intimité prenante avec les textes de Marguerite Duras. Des objets légers, mobiles, pour réveiller sans y toucher les pierres des théâtres antiques. L'emprunt architectural critique à Mies Van der Rohe. L'utilisation de l'espace et du geste circassien avec des mâts chinois. Autant de dispositifs scéniques qui instrumentent en trois dimensions la relation entre le texte et le public.
Le parcours d'Éric Vigner est marqué par des rencontres avec des textes et des lieux. Pluie d'été sur Hiroshima poursuit un travail engagé avec Marguerite Duras. "Avant tout, dit-il, le désir de faire entendre le texte". Ou réentendre... Or Duras n'est-elle pas, elle-même et à travers le travail de réalisateurs, metteurs en scène ou comédiens de théâtre et de cinéma, celle dont la petite musique fut la plus entendue, liée à des images, à des visages - ne citer que Alain Resnais, Emmanuelle Riva? Mais non, rien n'est arrêté. Le monde durassien n'a rien de prédéterminé. Elle-même décidait d'une incertitude dans l'identité des textes, dans le statut de l'écriture.
Dans Pluie d'été À Hiroshima, Vigner articule deux textes: Hiroshima mon amour, texte, pièce jouée au théâtre, et film; et Pluie d'été, écrit en 1990, après un album pour enfants Ah! Ernesto (1971), puis un film Les enfants (1984). Vigner ressent une continuité de l'un à l'autre de ces textes qui, pourtant, comportent des personnages, des lieux et des temps différents.
Le dispositif scénique se devait d'en rendre possible l'évocation - dont le principal véhicule demeure le texte. Au début de la pièce, celui-ci affirme le statut du livre, de la lecture, la plus intimiste des formes théâtrales, puis les personnages sortent du livre, et trouvent une autonomie.
Le spectateur du Festival d'Avignon 2006, entrant dans le cloître des Carmes, découvre que la scène occupe en entier le centre du cloître - contrairement à la convention qui la place à l'une des extrémités, en vision frontale. L'accès se fait en hauteur, sur les deux longs côtés, par une passerelle située devant les arcades. De là, on découvre un immense plan de scène, troué de deux sortes d'évidements. Le public se tient dans des loges avançant dans la scène, dont la découpe interprète le dessin des arcades. Les personnages, eux, habitent des trous, debout, comme des pièces, des maisons, des villes. Ils s'assoient au bord. Ils y disparaissent. Ils traversent de l'un à l'autre le plan de scène. Dès le début, s'affirme le potentiel d'intimité de cette mise à niveau avec le public.
Les acteurs lisent le texte - ils nous lisent un livre, nous partageons la même horizontale. Puis ils jouent dans, sur et avec l'espace donné, ce tapis volant au graphisme de lignes géométriques. La mise en lumière se fait depuis un portique dominant le cloître. Les ambiances sont différentes: le lieu invisiblement domestique, où les enfants et la mère de Pluie d'été expérimentent leur rapport nu à la connaissance, s'effacent pour la grande absence catastrophique de Hiroshima et la sensualité du corps des comédiens. Et le spectateur est dedans. Pas en face, pas même autour: dans la scène, dans le texte.
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