Actualité de la scénographie · Décembre 2001 · LA BÊTE DANS LA JUNGLE

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Actualité de la scénographie

Décembre 2001 · Jean Chollet

Éric Vigner, scénographe

Rien de surprenant à voir aujourd'hui cet ancien élève plasticien de l'Université de Haute-Bretagne concevoir la scénographie de ses créations théâtrales, tant ses mises en scène se fondent dans une relation attentive et sensible avec l'espace. Sa réalisation pour LA BÊTE DANS LA JUNGLE illustre de manière vibrante et originale une recherche sur la construction et la résonance de l'image scénique.

Que ce soit avec le spectacle fondateur de la Compagnie Suzanne M., LA MAISON D'OS de ROLAND DUBILLARD (1991), créée dans une ancienne usine de matelas puis à la Grande Arche de la Défense, ou avec LA PLUIE D'ÉTÉ de MARGUERITE DURAS (1994), en estompant la division d'une salle à l'italienne, tout comme dans ses dernières créations, ÉRIC VIGNER n'a cessé d'interroger l'espace dans sa relation avec la représentation - parfois dans le paradoxe.

Aujourd'hui, après une première réalisation scénographique pour l'opéra de G.-F. BUSENELLO et P.-F CAVALLI, LA DIDONE, il aborde l'univers de HENRY JAMES, avec LA BÊTE DANS LA JUNGLE.

Ce court roman fut tout d'abord adapté pour le théâtre par JAMES LORD, puis par MARGUERITE DURAS lors de deux versions successives en 1962 (Théâtre de l'Athénée) et en 1981,au TGP ( mise en scène ALFREDO ARIAS, avec DELPHINE SEYRIG et SAMY FREY).

Une étrange et mystérieuse histoire. Celle d'un homme et d'une femme, amorcée dans des retrouvailles dix ans après une première rencontre dans le château de Weatherend, prélude à une longue relation qui s'instaure autour d'un secret partagé.

En six tableaux, avec prologue et épilogue, la pièce, dans son adaptation durassienne, prend quelques libertés avec le roman et introduit des références picturales marquées. Les changements d'atmosphère sont tout aussi importants que l'évocation des lieux successifs où se déroule l'histoire. C'est l'un des premiers aspects dégagé par la scénographie d'Éric Vigner, qui, tout en restant fidèle à l'esprit des didascalies de l'auteur, en assure un prolongement significatif.

Sur le plateau du CDDB de Lorient (11 m d'ouverture, 11,30 m de profondeur), à l'aplomb d'un cadre de scène courbe créé pour le spectacle, un podium étroit utilisé pour le prologue est disposé en avant-scène. L'ouverture du rideau, sur lequel sont projetées quelques phrases situant le prologue, s'effectue sur un second rideau transparent et légèrement mobile, élément d'importance de cette scénographie durant tout le spectacle. Il est composé de perles de bambou sur lesquelles s'inscrit à l'encre de chine un paysage de Fragonnard, que l'on retrouvera en rappel sur un tulle au lointain. Par sa texture, ses frémissements, il introduit un rapport sensoriel décalé qui influe sur la perception de la représentation.

À l'intérieur du plateau, colonnes de toiles brutes à jardin, paravents peints sur cour et reproductions de tableaux de Van Dyck construisent ou déstructurent l'espace, dans la fluidité de changements à vue au rythme du spectacle, en associant pleins et vides révélateurs. Sans machinerie, utilisant les dessous et jouant sur une légèreté structurelle et inventive, cette scénographie a été réalisée avec la collaboration de Bruno Graziani, assistant d'Éric Vigner.

Elle intègre avec cohérence les costumes (Paul Quenson) et les lumières (Christophe Delarue) et élabore une résonance constitutive à l'étrange et poignant destin de John Marcher (Jean-Damien Barbin) et de Catherine Bartram (Jutta Johanna Weiss), livrés aux maléfices de la "Bête".

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Sujet: 
Recherche sur la construction et la résonance de l'image scénique.
Date: 
Déc 2001
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