L'Avant- Scène · 1 mars 1996 · LA BÊTE DANS LA JUNGLE
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L'Avant- Scène
1 mars 1996 · E. P.
La musique du châtiment
Voici ÉRIC VIGNER de retour dans le paysage durassien, dans cette langue qui pousse à la langueur des corps et de la voix, dans ces silences écrasés par le poids du non dit. Voici DURAS sans être complètement DURAS puisque La Bête dans la jungle est un monstre tricéphale. Une nouvelle écrite par Henry James, transposée au théâtre par James Lord, critique d'art familier de Picasso et de Giacometti et enfin adaptée en français par MARGUERITE DURAS. Elle en fera deux versions, une en 1962 suivie d'une seconde, plus radicale, en 1981 que Delphine Seyrig et Sami Frey porteront à la scène. L'histoire est troublante, celle d'un homme et d'une femme liés par un terrible secret. John Marcher et Catherine Bertram se sont rencontrés, autrefois, dix ans auparavant, peut être moins, vertiges de la mémoire oblige, en Italie, un soir d'orage. Il s'est confié à elle, s'est allégé de cet aveu difficile, celui d'être poursuivi par un événement tragique. Destin particulier de ces deux êtres qui attendront toute leur vie, ensemble que la "bête" se manifeste.
ÉRIC VIGNER la fera gronder cette bête, on en sentira le souffle, presque les crocs ou les griffes au bord de notre gorge. Car Vigner aime le son, toute la pièce se doublant d'une partition musicale qui raconte elle aussi la fable. L'effet est certain, un peu marqué lorsque PolnarefF hante le château, qu'un BEATLE égaré entame Yesterday à la guitare sèche, ou que Maurane se lance dans une version de La Chanson des vieux amants de Brel. Le temps s'est écoulé, ils sont au seuil de la mort, ce que la comédienne Jutta Johanna Weiss rend par la lenteur de ses gestes et la délicatesse de son phrasé. Elle fait sienne cette découpe du texte propre à MARGUERITE DURAS anummrant parfois une fin de phrase, nous berçant, nous amusant, nous tenant au bout de ses lèvres.
ÉRIC VIGNER plasticien de formation signe également la scénographie et c'est superbe. Un rideau de bambous (en fait une toile de Fragonard "pixélisée" puis assemblée morceau par morceau, certains trempés dans l'encre de chine, ce qui donne cette impression de feuillages dans la nuit), fibre les visages des comédiens. De grandes toiles de maître nous font face, ces deux-là ne sont donc pas seuls. Les lumières de Christophe Delarue, notamment un coucher de soleil sur ce rideau de bambous, sont vraiment magnifiques. Un sentiment fugace nous traverse l'esprit : et si ÉRIC VIGNER allait faire du cinéma? Il en a toute la précision.
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