Agence France Presse
13 mai 1995 · Y. B.
Le retour de Bajazet de Racine avec la Comédie-Française au Vieux-Colombier
Bajazet qui est affichée depuis le 9 mai au Vieux-Colombier à Paris, est la deuxième tragédie de Racine, après La Thébaïde, reprise cette saison dans une nouvelle production, par la Comédie-Française, selon le souhait de son administrateur général Jean-Pierre Miguel d'entamer un cycle racinien.
Cette sixième pièce du dramaturge qui pour la première et unique fois abandonna les sujets antiques, n'avait pas été jouée au Français depuis 1967. Dans le passé, de grandes tragédiennes-maison, de la Champmeslé à Annie Ducaux en pasant par Adrienne Lecouvreur, Rachel, Marie Marquet ou Vera Korène, ont marqué pourtant les deux principaux rôles féminins de Roxane et Atalide, les deux femmes du sérail de Constantinople qui aiment (la première en vain) le prince Bajazet. Leur succèdent en 1995 avec mesure et intériorité deux sociétaires Martine Chevallier (Roxane) et Isabelle Gardien (Atalide) face au pensionnaire Eric Ruf (Bajazet).
Un jeune metteur en scène Éric Vigner signe la production de cette pièce sur laquelle plane la mort (elle frappe au final les trois principaux protagonistes) et qu'il traite un peu à la façon du théâtre japonais, évitant cependant toute tentation d'orientalisme trop marqué (décor de Claude Chestier). Les comédiens se déplacent avec lenteur et avec des gestes souvent hiératiques et poussent dans les moments de tension des cris guturaux dans lesquels s'exprime toute la rage de leur personnage. Ils sont revêtus de longues lévites (costumes de Françoise Tournafond). Tout concourt à mettre surtout en valeur l'alexandrin racinien que l'ensemble de la distribution dit avec clarté et de la même façon, contribuant ainsi à l'unité du spectacle.