Lyon Figaro · 21mars 1996 · L’ILLUSION COMIQUE

Lyon Figaro · 21mars 1996 · L’ILLUSION COMIQUE
Un exercice fort esthétisant, intelligent et bien servi par tous les comédiens...mais un peu ennuyeux.
Presse régionale
Critique
N.G.
21 Mar 1996
Lyon Figaro
Langue: Français
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Lyon Figaro

21 mars 1996 · N.G.

Le décor est un jeu de miroir sans l'être. Sur de grandes plaques de verre disposées sur scène en quinconce, et qui reflètent, avant que le spectacle commence, les spectateurs euxmêmes, jouent tout à la fois la transparence, les reflets et leur démultiplication: l'illusion y est toujours donnée ou renvoyée pour telle.

De même, alors que le spectacle de la salle n'est pas tout à fait achevé, se met subrepticement en place celui de la scène. Arrivée des comédiens et musiciens, dont certains s'habillent devant nous. C'est bien d'une représentation dont il s'agit. Nulle crainte qu'à l'instar de Pridamant, nous prenions ce que nous voyons pour argent comptant, c'est-à-dire pour la vie réelle.

L'Illusion comique ou l'illusion théâtrale. La querelle du théâtre est très présente en ce XVIIe siècle, quand l'auteur du Cid écrit cette oeuvre, "galanterie extravagante","étrange monstre", comme il la désigne lui-même.

En tout cas, véritable tentative de réhabilitation de l'art théâtral, si mal vu de la société morale, et notamment de l'autorité ecclésiastique d'alors, elle nous montre les retrouvailles d'un père et d'un fils, en même temps qu'elle nous conte une histoire d'amour. Le théâtre apparaît là comme une illusion, s'opposant à la réalité non comme le mensonge à la vérité, mais plutôt comme l'imagination fertile à l'unidimension du réel. Et à la traditionnelle figure de l'histrion corrupteur et mercenaire, est substituée celle du comédien qui apporte au spectateur sa part de rêve.

L'exercice auquel se livre Éric Vigner, metteur en scène, est fort esthétisant, intelligent de surcroît, dans sa manière, par exemple, d'inscrire l'oeuvre dans son temps sans l'y enfermer, et bien servi par tous les comédiens...

Mais il est un rien longuet. La lenteur voulue du spectacle, lenteur majestueuse qui s'accorde au style grand siècle, lenteur mystérieuse qui convient aux pratiques magiciennes, étire un sujet déjà plutôt fumeux, et la rhétorique cornélienne, le romanesque très seizièmiste de l'intrigue et jusqu'au discours sur l'illusion et la réalité, le théâtre et la vie, ne suffisent pas toujours à maintenir en éveil l'attention du spectateur.

Pour être franc hors quelques moments de bravoure (pour le texte), et de poésie (pour la mise en scène), on s'ennuie aux aventures de Clindor... La réussite d'Éric Vigner est toutefois d'être arrivé à trouver la bonne distance entre ces deux partis pris antagonistes que sont la reconstitution historique et  le regard contemporain.