Entretien · Sophie Hoarau · SEXTETT

Entretien · Sophie Hoarau · SEXTETT
Entretien avec la costumière
Costumes
02 Sep 2009
CDDB-Théâtre de Lorient
Langue: Français
Tous droits réservés

Entretien avec SOPHIE HOARAU

DE QUELLE MANIÈRE ÉLABOREZ-VOUS LES COSTUMES POUR SEXTETT?

SOPHIE HOARAU: Avec SOIZIC SIDOIT qui crée le maquillage et les coiffures, nous essayons de traduire la pensée d’ÉRIC VIGNER, le metteur en scène; sa vision des personnages, de l’histoire et des costumes. On se voit plusieurs fois et nous lui proposons des images, des accessoires, de la matière qui corresponde à son désir. Il donne les pistes, les esquisse, les dessine et nous tentons de traduire concrètement ce qu’il veut. Dans l’histoire de SEXTETT, on retrouve le repère de Simon, personnage qui existe déjà dans la pièce JUSQU’À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE et qui évolue dans le même décor, très coloré. Il se retrouve confronté à cinq comédiennes, à une « famille-fantômes-fantasmes ». Eric conçoit tous ces personnages comme appartenant à une même famille, un monstre à cinq têtes. En ce sens, l’idée du double, de la gémellité, du négatif est très présente: ces femmes sont les mêmes mais différentes et inversement, ce sont 5 femmes différentes mais qui, au fond, représentent toujours la même femme. Éric souhaitait travailler le noir et blanc, ce qui participe à cette notion du double. Le décor très coloré l’a aussi conforté dans cette décision: aucune couleur de costume n’allait avec les tons vifs du décor. Il y a trois « jumelles » : Claire et les deux voisines Blanche et Jane. Elles porteront les mêmes robes, très simples: Claire sera en blanc, les voisines en noir. L’autre couple est formé par Sarah et Walkyrie, la première en blanc et l’autre en noir avec quelque chose dans leur costume qui viendra concrétiser le monstre qu’est cette famille de femmes: le masque pour Walkyrie et des déformations (qui sont encore à travailler) pour Sarah. Elles sont traitées dans leur féminité mais avec des attributs monstrueux: il y a une certaine ambivalence.

QUELLES SONT LES GRANDES ÉTAPES DE LA CRÉATION DES COSTUMES ?

S. H. : Nous nous sommes vus plusieurs fois dès le printemps 2009. Nous avons échangé des images, discuté des premières pistes qui ont évolué ensuite et au final, elles n’ont presque plus rien à voir avec les costumes crées. Fin août, j’assiste aux lectures du texte à la table par les comédiens. Des éléments de costumes apparaissent déjà, avant même le travail au plateau. Par exemple, le fait que Sarah soit en blanc est apparu comme une évidence dès la lecture. Les discussions sur le jeu, la mise en scène et le texte déclenchent rapidement des choses visuelles qui sont en évolution permanente. Début septembre, le travail sur le plateau commence. Je vais voir les répétitions; j’observe la manière dont les corps bougent, comment les comédiens travaillent ensemble et petit à petit, certains éléments de costumes s’imposent d’eux-mêmes. J’espère que les comédiens pourront porter leurs costumes finis deux semaines avant la première mais il y a toujours des imprévus!

POURRIEZ-VOUS NOUS PARLER DU COSTUME D’UN DES PERSONNAGES ?

S. H. : J’ai apporté hier à JOHANNA NIZARD qui interprète le rôle de Sarah des accessoires qui ne sont pas finalisés mais qui lui permettent de travailler son personnage. On a exploré la piste de la caricature, l’image fétichiste de la poupée gonflable mais avec un côté raté. Sarah est à la fois drôle et monstrueuse, « sublime et horrible », comme lui dit Simon, et son costume, sa seconde peau, devra refléter cette apparence trouble.

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES PAR RAPPORT À LA CRÉATION DES COSTUMES D’OTHELLO (Création 2008 d’ÉRIC VIGNER)?

S. H. : Je fais beaucoup plus d’achats pour SEXTETT que pour OTHELLO. Il n’existe en fait que très peu de fabrication alors que nous avons fabriqué la totalité des costumes d’OTHELLO en atelier au CDDB. Peut-être parce qu’il s’agit d’un texte contemporain, très actuel. Il s’agit d’une création d’une autre nature. Il n’y a pas de profusion comme chez OTHELLO: pas de changement de costumes, des comédiens moins nombreux... Les lignes sont plus nettes; il y a quelque chose de plus épuré avec un travail important sur la silhouette.

POURRIEZ-VOUS ÉVOQUER VOTRE PARCOURS?

S. H. : J’ai tenté plusieurs fois le concours de l’école des métiers du théâtre (l’ENSATT ou l’école de la Rue Blanche) avant de pouvoir y rentrer. C’est un concours assez difficile et je n’avais pas une formation de couturière très poussée. J’ai ensuite travaillé pour des compagnies, dans des ateliers pour de grosses productions. Je me suis installée en Bretagne il y a sept ans et j’ai commencé à travailler entre autre avec le CDDB pour LE BOURGEOIS GENTILHOMME avec le Théâtre National de Corée, PLUIE D’ÉTÉ À HIROSHIMA, OTHELLO et enfin SEXTETT. Je crois que j’ai toujours voulu travailler dans le milieu du spectacle, mais dans quoi? Je n’avais pas d’idée précise. Je bricolais en couture et je me suis dit « pourquoi pas ? ». Je ne vois pas les costumes comme un tout mais comme un outil, une pierre portée à la construction de la pièce. Les costumes sont toujours intimement liés au reste. Pour SEXTETT, ce qui est passionnant, ce n’est pas forcément de travailler les costumes mais de faire partie d’une équipe, auprès de ces comédiens, de ce metteur en scène avec une vision du théâtre aussi forte et personnelle.

UNE ANECDOTE POUR TERMINER?

S. H. : Le premier jour où nous avons commencé le travail, nous sommes allés dans un sex-shop à Lanester pour y faire un repérage des éléments dont Éric m’avait parlé: combinaisons, masques... C’est la première chose que nous avons faite!

Entretien réalisé par MARINA QUIVOOIJ, chargée des relations avec le public, 2 septembre 2009, Lorient.