Note d'intention · JEAN-DAMIEN BARBIN
Les Deuxièmes Rencontres Internationales Théâtres Médecins du Monde
"Ce fut longtemps un rêve que nous avions peine à défendre contre les railleries. Puis ce fut un projet dont quelques uns, à voix basse, se faisaient confidence. Aujourd'hui, c'est un fait accompli... "La Compagnie des Théâtres du Monde" est fondée, elle a son organisation, son personnel, son répertoire, la troupe est au travail... L'impossible est en voie de prendre bonne tournure", nous souffle Jacques Copeau.
Un rêve, né d'un improbable rendez-vous, une nuit d'été 1989 à Nantes, où l'Arménie et le Congo, réunis pour une même fête, échangèrent leurs musiques et leurs chants et soudain, une seule voix, les mêmes rires, une même tendresse : une émotion puissante, tenace, nous engageant à entretenir un dialogue riche et passionné avec le Rocado Zulu Théâtre de Brazzaville et le Kamera Théâtre d'Erevan.
Un projet : l'inéluctable rencontre d'acteurs, d'auteurs, de metteurs en scène, se reconnaissant dans le même désir de porter la parole des théâtres du monde, si lointaine souvent, ignorée parfois, jusque sur nos scènes harassées, vieillies de toujours faire écho aux mêmes ritournelles obsédantes et racornies.
Une troupe, comme un désir d'indépendance au service d'un art que nous voulons vivant. Un art sensible et réactif, aux aguets, disponible et missionnaire ; sensible aux secousses d'un monde qui s'étire, qui déborde et nous feinte ; réagissant aux appels, apte aux échanges et à la solidarité. À la communication triomphante qui, paradoxalement, multiplie l'oubli, l'enfermement et le repli sur soi, nous préférons une expression artistique attentive et curieuse, qui invite à la coexistence, à la comparaison et à la confrontation, au métissage. À l'indifférence, nous préférons la différence. Les rencontres : celles du directeur de théâtre halluciné de Thomas Bernhard et du Boulgakov désespéré, mendiant à Staline un séjour à l'étranger et le droit vital d'écrire, l'Amérique noire de Himes, la farce d'une révolution de carnaval du roumain Caragiale, la bonne humeur coquine et poétique de So Jong Ju et la Catastrophe beckettienne et d'autres encore s'inscrivent d'ores et déjà au répertoire de la Compagnie des Théâtres du Monde.
Une scène ouverte aussi, conformément aux objectifs de l'UNESCO, à la diffusion et à l'échange d'informations culturelles sur les pays en voie de développement et sur les problèmes du quart-monde, ouverte toujours à de prochains jumelages avec des troupes amies.
Une scène de festival enfin, colorée et joyeuse dont le rideau se lèvera, nous l'espérons, sur l'exposition des "bonshommes" des Théâtres du Monde, figures de proue, emblèmes de littératures, fanions de liberté que l'on s'échange avant la rencontre.
"L'impossible est en voie de prendre bonne tournure"...