Le Secret · Bernard Terramorsi
in Henry James ou le sens des profondeurs
"Il n'est de secret qui ne soit, à l'origine, partagé [...] avec un tiers complice. [...] Lorsque le secret devient trop lourd à porter, il suffirait d'accepter l'exquise défaite qui consisterait à s'en décharger [...] : le rêve de tout clyptophore ! Mais force lui est de constater que même un tel soulagement en castatrophe lui est dénié. [...] Comment en effet mettre en mts l'innommable ? Le ferait-il, il en mourrait foudroyé, le monde entier serait englouti dans ce cataclysme [...]. Aussi, après quelques hésitations prendra-t-il une option différente, la seule possible : changer l'analyste-commissaire en analyste-complice et revivre avec lui, entre les mots, ce qui dans les mots n'a pas de pace."1 (je souligne)
John a partagé un secret avec May, il y a dix ans, en Italie, puis il l'a endossé seul en essayant d'enterrer les mots et son interlocutrice. En retrouvant cette jeune femme, il résiste d'abord à ses allusions ressenties comme inquisitrices ("l'analyste-commissaire"), puis il accepte de livrer son secret ; mais dans l'impossibilité de "mettre en mots l'innommable", il fait de May une analyste-complice des événements de Pompéi.
La parole de May est une apocalypse, une révélation visionnaire1 du "secret des dieux" (151) sur l'avenir de l'homme, la "Fortune" (161) ; elle redresse, corrige l'image monstrueuse, anamorphotique que constitue la "Bête":
"À présent la jungle à force d'avoir été battue et rebattue, était abandonnée, la Bête s'était esquivée [...], on ne pouvait plus croire désormais à l'éclair d'un mauvais oeil dans l'ombre d'un possible repaire [...], la Bête n'y était plus (La bête dans la jungle, 167-168)
"La bête que vous avez vue était et n'est plus, et elle doit monter de l'abîme et périr ensuite sans ressource". (Apocalypse, WVII, 8)