Le Figaro · Janvier 1999 · MARION DE LORME

Le Figaro · Janvier 1999 · MARION DE LORME
Un dépouillement qui met l'accent sur le manifeste poétique de Victor Hugo.
Presse nationale
Critique
Marion Thébaud
Jan 1999
Le Figaro
Langue: Français
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Le Figaro

Janvier 1999 · Marion THÉBAUD

Éric Vigner célèbre la gloire du verbe

Il met en scène Marion de Lorme, de Victor Hugo, en laissant de côté la fable et en privilégeant le manifeste poétique.

Éric Vigner, directeur du centre dramatique de Lorient, tourné vers l'écriture contemporaine, a choisi de mettre en scène Marion de Lorme, de Victor Hugo.

"Ce n'est pas aussi paradoxal que cela semble l'être. C'est vrai que j'ai monté jusqu'à présent beaucoup d'auteurs contemporains, mais Marion de Lorme, écrit avant Hernani, est la première grande pièce du chef de file de l'école romantique. Après sa Préface de Cromwell, tous les artistes attendaient qu'il mette en pratique les principes exposés du drame romantique. Marion de Lorme n'est pas une pièce de plus de Victor Hugo, mais son manifeste poétique. Le texte s'est imposé à moi."

Il est question d'une belle courtisane (Jutta Johanna Weiss), d'un jeune homme sorti de nulle part, beau, sombre, inconsolé, Didier (Jean-Yves Ruf), de leurs amours contrariées, de duels, de complots dans la France de Louis XIII dominée par la figure de Richelieu et de son âme damnée, Laffemas (Stéphane Mercoyrol).

Raconter cette fable de cape et d'épée ne retient pas l'attention d'Éric Vigner. Il choisit néanmoins de présenter la première version, celle de 1829, qui n'a jamais été jouée. Dans cette version, Didier meurt sans accorder son pardon à Marion. Deux ans plus tard, en 1831, quand la pièce est représentée pour la première fois au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, l'actrice Marie Dorval obtient une variante de la part de Victor Hugo : Didier, avant d'être exécuté, accorde son pardon à Marion. "Je préfère la première version, reprend Éric Vigner, parce que la pièce, brutalement interrompue par le tranchant de la hache, laisse le spectateur en état de choc."

Éric Vigner privilégie le rapport à la langue, son aspect provocateur et transgressif. "C'est une écriture d'une violence inouïe, dit-il. J'ai trouvé en Victor Hugo des résonances à la Duras. C'est un jeune auteur contemporain." Pour paradoxaux que les propos d'Éric Vigner puissent paraître, ils n'en sont pas moins au cœur de la dramaturgie qu'il a choisie. Les comédiens interprètent le texte à la manière d'instrumentistes déclinant au sein de l'orchestre leur partition. Sur scène, un quintette est chargé d'apporter le contrepoint romantique en interprétant deux valses de Strauss et l'ouverture de La Traviata.

Dépouillement

L'idée de transformer cette intrigue de cape et d'épée en messe à la gloire du verbe peut surprendre. Mais ce dépouillement met l'accent sur le manifeste poétique de Victor Hugo. "Je me pose la même question soulevée par Victor Hugo. Peut-on encore inventer de nouvelles formes ?"

Éric Vigner y répond en tant que directeur du CDN de Lorient. Il a réuni autour de lui deux artistes Eric Ruf et Arthur Nauzyciel et, sous le nom de NRV, ils ont l'intention de mettre en commun leur amour des textes et du théâtre. "On essaie d'inventer une même approche théâtrale." Leurs travaux seront invités cet été au festival d'Avignon avant d'être repris l'hiver prochain, salle Gémier.

"Victor Hugo m'a libéré", conclut Éric Vigner.