DU DÉSAVANTAGE DU VENT
"Au commencement, nous avions en main le Dictionnaire de la marine à voile. Quantité de mots obsolètes ou inusités de notre langue maternelle. Noms d'outils, de manoeuvres, description d'accastillage, termes météorologiques et militaires: un alphabet marin énoncé d'homme à homme. De page en page, en faisant se répondre index et glossaire, d'un mot à l'autre, est apparue une matière singulière et tendre, féminine et amoureuse. Comme si le verbe de ces marins, dans le confinement du lieu de leur travail et de leur mort, s'était insensiblement perturbé pour devenir un parlé du manque, un vocabulaire de l'absence. Une poétique involontaire où un marteau a un nom de femme ou de fleur. De ces mots, l'envie nous a pris alors de faire des phrases, des dialogues, des scènes. Très librement, faisant fi des définitions du dictionnaire, nous avons décidé des nôtres par assonances phonétiques ou poétiques.
(...) Deux langues sont nées de l'absence de l'autre (le Navieux pour les hommes, le Camaïeu pour les femmes) semblables mais étrangères. Deux langues où l'insulte, le diminutif, le déifié, le mot caressant et la pornographie des discussions sous les douches communes sont à foison.
"Une femme dans chaque port". Tant de milles parcourus pour la douceur d'un sein dans sa paume. Tant de ronds dans l'eau. À la manière du son, sur le dos des vagues, l'imaginaire de ces hommes allant plus loin que leur vue. Les escales dans ces Babels de bord de mer. Rencontres différées, ratées puisque tant désirées. Plus que l'identité sexuelle, une réflexion sur l'identité du désir. Travestissements de théâtre de ces hommes épelant leur monde au féminin, de ces femmes retroussant leurs manches. Et puis ces petits personnages des romans de FORESTER, CONRAD ou GARNERAY, les aspirants de marine. Adolescents fragiles que l'on décrit ayant quelque chose de féminin, dont on précise le nom à particule, que l'on oublie cent pages durant et qui meurent, à la première bataille dans la Manche ou l'Océan Indien, coupés en deux par le premier boulet ennemi. Le mal de mer, le mal de terre, les symptômes de l'absence, la maladie d'amour. On dit dans ce cas, qu'on est "amuré tout bas". Je rêvais d'un spectacle où l'on pourrait caresser la joue d'un spectateur et s'étonner qu'elle soit si fraîche."
ÉRIC RUF, avril 1997
Générique
- Benjamin Goubé
- Cathy Verney
- Cédric Prévost
- Céline Carrere
- Christophe Schneider
- Cyril Anrep
- David Clavel
- Éric Ruf
- Frédéric Laügt
- Glysleïn Lefever
- Isabelle Nanty
- Jacques Tresse
- Jean-Noël Cnokaert
- Julien Chavrial
- Katia Lewkowicz
- La Compagnie d'Edvin(e) - Éric Ruf
- Laure Werckmann
- Laurent Bellambe
- M/M (Paris)
- Marie-Hélène Roig
- Nadine Legrand
- Nadir Legrand
- Pierre Lamandé
- Rodolphe Dana
- Sandrine Rigaut
- Valérie Decarpentrie
- Christophe Delarue
- Français
- CDDB
- Création
- Les Solitaires Intempestifs
- Théâtre
- Poésie
- CDDB-Théâtre de Lorient · CDN
- La Compagnie d'Edvin(e) · Éric Ruf
- ADAMI · Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes
- GACO