REVIENS AVANT LA NUIT

"Depuis plusieurs années nous partageons le même atelier, artistes plasticiens nous y développons nos recherches respectives. Lors d'une rencontre avec ÉRIC VIGNER, il nous a donné l'envie d'imaginer une transposition possible de ces recherches en une création scénique. Très vite il y a une histoire que nous avons souhaité raconter. Dans notre vie aujourd'hui commune, il existe un temps particulier qui nous reste étranger, celui de l'enfance.

Deux enfances aux géographies si lointaines et pourtant si proches. Au moment de l'écriture, nous faisions réapparaître les évènements de façons différentes. Eunji laissait venir à elle tous les souvenirs vécus en un regard attentif aux plus petits détails alors que Georges faisait glisser les personnages sous les costumes d'autres histoires que la sienne. Par ce double mouvement entre réalité et imaginaire, nous avons choisi de réunir nos récits en un seul, comme l'écho de deux enfances qui n'en feraient qu'une. Pour Eunji, c'est l'histoire d'une vie en Corée, très urbaine, qui s'est accomplie dans les interstices d'une échappée à la campagne où les générations se retrouvent entre détente et nostalgie. Des moments de partage avec une grand-mère qui déroulait devant les yeux fascinés de sa petite fille un inventaire inépuisable et parfois cruel de jeux avec les insectes. L'animal devenant l'acteur de toutes les formes contradictoires qui régissent les présences, entre désir et cruauté, entre nécessité et résistance. Ces animaux de son enfance, Eunji les a à nouveau capturés le temps de plusieurs animations dessinées dans le souvenir d'une chanson dans laquelle un crapaud se cherche désespérément une maison. Ces micro-événements, au plus près, ont été pour Georges les points sur lesquels a pu se tisser un paysage, celui d'une enfance qui s'est trop rêvée dans les panoplies d'une Amérique mythique. Une Amérique de littérature, de cinéma et de musique qui lui permettait de refaire le doublage d'une réalité parfois trop proche. Ces histoires placent la famille au centre de ce rêve américain qui a mal tourné.
C'est dans les fragments de ces images et de ces récits d'Amérique que Georges puise les figures qu'il sculpte dans de l'os. Elles s'animent aujourd'hui en de petites marionnettes blanches et fragiles. Cette histoire à deux voix d'un far east et d'un far west, de ces deux enfances qui se superposent entre souvenirs et fictions, se retrouve ici dans la multiplicité d'un décor, les sonorités d'un musicien et la présence physique d'une actrice qui, à l'image d'une Boucle d'or, interroge les éléments qui l'entourent, un à un, en espérant trouver un monde à sa taille".
EUNJI et GEORGES PEIGNARD

"C'était encore la lumière du jour, elle brillait douce et terne comme l'envers d'un coquillage; et les lampes à pétrole dressées aux coins de la pièce étaient allumées dans la proximité de la lumière, et les criquets se faisaient entendre, les lucioles apparaissaient, des grenouilles basculaient dans l'herbe humide, au moment où les pères et les enfants sortaient des maisons".
JAMES AGEE