Le Télégramme
26 septembre 2009 · ISABELLE NIVET
Erhard Stiefel créateur de masques
Erhard Stiefel, 70 ans, est créateur de masques et "Maître d’art". Fidèle collaborateur d’Ariane Mnouchkine et d’Alfredo Arias, il travaille actuellement sur la prochaine création d’Éric Vigner, à Lorient, Sextett.
Ils sont facteurs d’orgue, créateurs d’automates, éventaillistes…Les "Maîtres d’art" ne sont que 65 en France, professionnels maîtrisant un savoir-faire presque unique. C’est le ministère de la Culture qui nomme ces artisans d’exception, initiative inspirée par les "Trésors nationaux vivants" du Japon. Un titre qui implique une notion de transmission de savoir-faire, avec la prise en charge d’un élève pendant trois ans, qui assurera la continuité d’une technique, la conservation de notre patrimoine artisanal.
"LE" spécialiste
C’est lors de ses débuts au cinéma et au théâtre, comme sculpteur de décors, que Stiefel a fabriqué ses premiers masques, pour le besoin d’ombres chinoises.Aujourd’hui," LE" spécialiste du masque, jusque-là confectionné par des accessoiristes, a dû étudier longuement l’art du masque indonésien, chinois ou japonais, pays où il fait traditionnellement partie du jeu théâtral, au contraire de la France, où il est peu utilisé en scène.
Bois, cuir ou laque
Auprès d’Ariane Mnouchkine, Maurice Béjart, Antoine Vitez ou Tim Robbins, qui lui laissent carte blanche, il fabriquera des centaines de pièces uniques, en bois, cuir ou laque, conçues sur mesure : "Il faut que ça s’intègre comme une chaussure ou un gant". C’est pour Alfredo Arias et Peines de coeur d’une chatte anglaise qu’il met au point, pendant un an, une nouvelle méthode, à l’aide de tissus de lin rigidifiés par un mystérieux procédé, d’une légèreté absolue. À travers le masque, l’on peut chanter et parler sans altération ni résonance. C’est cette technique qu’il a utilisée pour créer cette tête de chien, voulue par Éric Vigner, metteur en scène au CDDB-Théâtre de Lorient, pour Sextett de Rémi De Vos, en création à Lorient.
Moulé sur la tête
"J’ai étudié la morphologie du chien et je l’ai adapté au visage de la comédienne. Après avoir fait un moulage de sa tête et son torse, j’ai travaillé directement sur le masque, je modèle le tissu pour recréer le relief, c’est grâce à cela qu’on reconnaît l’image". Un travail en volume, une création directement avec les doigts, sans passer par une phase de dessin : "Il faut s’éloigner beaucoup, et travailler avec des lumières de scène, pour créer un masque, car il va se voir de loin. Il doit être très simple. Je vais de plus en plus vers le minimalisme, j’aime qu’on oublie le masque… ". Et de loin, le résultat est effectivement stupéfiant : cet objet arachnéen, au tramé bien visible de près, devient d’une lisibilité étonnante, mélange de réalisme et de poésie…