Libération
12 septembre 1995 · Mathilde La Bardonnie, Jean-Pierre Thibaudat, Marie-Christine Vernay
CAHIERS DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
"À cette époque, j'avais l'amour du théâtre, amour platonique, car mes parents ne m'avaient encore jamais permis d'y aller, et je me représentais d'une façon si peu exacte les plaisirs qu'on y goûtait que je n'étais pas éloigné de croire que chaque spectateur regardait comme dans un stéréoscope un décor qui n'était que pour lui, quoique semblable au millier d'autres que regardait, chacun pour soi, le reste des spectateurs." En guise d'éloge à la subjectivité, de défense- illustration du point de vue unique (et, partant, inexprimable !) de tout photographe posant son oeilleton sur l'insaisissable réalité du théâtre, Jean-Loup Rivière, responsable des Cahiers du Français, aurait pu aussi choisir de mettre en exergue au traditionnel numéro d'été cette phrase faussement naïve de Marcel Proust au début de la Recherche. C'est plutôt à une définition du concept de "Rébus" qu'il se livre en préface à la suite, cette fois-ci muette, des photographies livrées par dix professionnels ayant suivi les créations de la saisonpassée."Rébus"
Mot qui vient de l'expression latine de rebus quoe geruntur ("au sujet des choses qui se passent"). Rébus à double fond, en l'occurrence, puisque les photographies ici sélectionnées ont aussi parfois été prises, hors scène, hors cadre, hors plateau : dans les escaliers par exemple de !a maison de Molière, ou l'entrebaillement d'une porte anonyme. Au feuilleteur de cet album, déprivé à dessein des commentaires d'écrivains et autres indications usuelles : de chercher les légendes à la fin de l'opuscule. Et de remarquer qu'Alain Fonteray signe, en partant du Bajazet de Racine, des images dignes du peintre Munch.
Les Cahiers de la Comédie- Française. revue trimestrielle n°16, saison 1994-1995. éditions P.O.L.. 90F.