Ouest France · 15 mars 1997 · LE FUNAMBULE
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Ouest France
15 mars 1997 · Michel TROADEC
Un spectacle d'exception signé Genet-Vigner-WILSON-Janvier...
Jeudi soir, dans un théâtre de Lorient plein à craquer, LAMBERT WILSON a lu Genet sur une mise en scène d'Éric Vigner, et une musique de Philippe Janvier. Somptueux générique pour un spectacle parfait...
Comment une simple lecture peut-elle transporter un théâtre dans un moment de grâce rare? Mais était-ce une simple lecture ? Plutôt la conjugaison de talents réunis dans un spectacle unique. Le texte est de Jean Genet, le poète. L'acteur est LAMBERT WILSON, qui démontre en une heure de temps ce qui fait la différence entre un bon comédien et un grand acteur. Le metteur en scène est Éric Vigner, faiseur d'émotions. Le musicien est Philippe Janvier, étonnant talabarder.
Un manuel de la perfection
Ensemble, ils racontent l'histoire du funambule, cet artiste d'exception. Genet s'en est servi pour transfigurer la notion même d'artiste. Ici, l'artiste n'est plus un homme, il est une flèche dont l'obsession est de disposer d'un arc à sa mesure pour l'expédier dans un ailleurs parfait, parfaitement abstrait. Le funambule est un manuel de la perfection. Sur le fil, c'est Narcisse qui danse.
Et sur la scène du théâtre, comme le funambule sous le chapiteau du cirque, LAMBERT WILSON n'est pas un lecteur, c'est un dompteur. Un dompteur de mots. Il danse avec les mots, il rit avec eux, il souffre avec eux. Jamais, il n'est pareil, toujours en mouve ment, suspendu ou allongé. Il donne de la voix, calme ou furieux. Il offre ses regards, ses silences. La mise en scène lui présente une ampoule nue, un fauteuil à renverser, un trou à contourner, un vide à combler. Il avance dans l'inconnu comme dans un rêve éveillé. La patte de Vigner le guide.
Et la bombarde de Philippe Janvier ne le lâche pas. Elle l'accroche, le dérange, le séduit, selon qu'elle soit sirène aigüe ou mélodie jolie. "Il faut aimer le cirque et mépriser le monde", semble t-elle répéter. Le public applaudit longtemps, enflammé. "Personne ne saurait suivre ces conseils. Il s'agissait de t'enflammer, non de t'enseigner", avait conclut Genet.
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