Faire le point · François Regnault
L'oeuvre théâtrale de JEAN AUDUREAU se compose actuellement de quatre ou cinq pièces dont nous souhaiterions qu'elles soient entendues en résonance les unes avec les autres, dans une certaine concentration de l'espace et du temps.
Il nous a semblé que c'était le moment de faire le point sur un théâtre autonome, qui appartient à l'évidence à la grande poésie, comme un nombre assez grand de pièces écrites en français, chacune suivant sa veine propre, symboliste, surréaliste, ésotérique, mystique, pour donner des noms dont aucun sans doute ne convient.
Faire le point, cela veut dire savoir à quel endroit de la mer on se trouve, afin d'aller où l'on avait dessein. Il faut bien que nous imaginions un peu la position des autres navires. Claudel, Genet, Beckett : la pleine mer, à pleins noeuds, pas de souci. En revanche, les grands Allemands récents : un peu à quai; qu'ils s'y reposent quelque temps ; leur chance est d'avoir affronté les tempêtes. Les jeunes Français nouveaux, ne nous plaignons pas s'ils se bornent parfois au cabotage le long des côtes, souhaitons-leur plutôt bon vent, comme à ce Koltès au vent maintenant bien en poupe. Occasion en revanche d'étudier la navigation, l'errance de quelques navires solitaires, qui abordent rarement, mais livrent à chaque fois au port une telle cargaison de joie ! AUDUREAU, l'un d'entre eux.
À l'exception de Katherine Barker, que nous accueillons, les conditions de production des trois autres spectacles ont été draconiennes : une quinzaine de jours de répétitions, pas de décor (sinon du très succinct et du très élémentaire), quelque costumes, un petit nombre de représentations bien groupées, de telle sorte que le public puisse assister aux quatre pièces en quelques jours seulement, au cours d'un juin propice...