La Lettre n°205 · 4 novembre 2002 · SAVANNAH BAY (Comédie Française)
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La Lettre N°205 (la letttre des amateurs d'arts et de spectacles)
4 novembre 2002
SAVANNAH BAY, un nom enchanteur qui coule comme une vague, pour un lieu au souvenir lancinant. C’est aussi le point de départ d’une histoire simple et tragique, celle de la mort d’une enfant et de la dissolution, dans cette disparition, de l’amour qui lui a été porté. "Savannah Bay, c’est la baie du souvenir" résume magnifiquement Jean-Pierre Jourdain, un voyage dans l’inconscient d’une actrice qui serait dépositaire de la mémoire du monde, de son accomplissement. Toute l’oeuvre de MARGUERITE DURAS tourne autour de l’amour dans tous les sens du terme.
Dans cette pièce, hommage au théâtre, elle met en scène une femme brisée par le malheur mais qui se devait à son art : "La salle a payé, on lui doit le spectacle". Entre alors dans le texte ce qui marque également l’oeuvre de DURAS, l’obsession de cet amour, l’obsession de la mémoire qu’elle voudrait garder intacte mais que la vie efface. L’actrice semble s’être arrêtée de vivre, de respirer pour prolonger son souvenir. Une jeune femme patiemment lui parle comme pour la ramener à la vie : "Tu as tout oublié sauf Savannah..." Sur la grande scène dépouillée les deux femmes parlent, se répondent parfois, de façon parallèle mais en osmose. Au fond, on finira par découvrir une photo, réplique gigantesque de celle d’un visage et d’une main, ceux de MARGUERITE DURAS, recueillant du regard et du geste le visage d’une femme. Cette photo est le reflet de la pièce, ce geste c’est ce qui les lie, ce qui se passe entre elles, l’univers du non-dit, une éternité d’instants partagés qui ont forgé leur connaissance réciproque.
Savannah Bay est un théâtre lu plus que joué. Les comédiennes se fondent dans la pensée de l’auteur, s’attachent aux mots qu’elle a tracés, en en respectant la résonance sonore et émotionnelle. En écoutant les voix posées, timbrées, profondes de Catherine Samie et de Catherine Hiegel, c’est la voix de MARGUERITE DURAS qui nous parvient, avec le rythme et la respiration si particulières qui étaient siennes. C’est une musique, une sorte de valse à trois temps, auxquelles se prêtent les deux comédiennes qui, au détour de chaque pas, entraînent le spectateur dans l’émotion. Catherine Samie et Catherine Hiegel ont un passé commun et une connaissance commune étroite. Elle appartiennent à la même famille du théâtre. Ce lien était indispensable pour qu’elles expriment aussi bien ce texte-là.
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