Le Télégramme · 28 septembre 2002 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)
- Description du doc
- Identité du doc
- Références aux autres types de contenus
- Source et propriété intellectuelle
- Archivage
Description du doc
Le Télégramme
28 septembre 2002 · Olivier Scaglia
VIGNER tient son Paris
MARGUERITE DURAS est entrée à la Comédie-Française par la grande porte. Eric VIGNER, metteur en scène et directeur du centre dramatique national de Lorient, lui a ouvert la prestigieuse salle Richelieu en y montant Savannah Bay, DURAS au Français ? VIGNER tient son Paris.
Marcel Bozonnet, grand sachem de la Comédie-Française depuis presque un an, avait dit sa volonté de rafraîchir le répertoire très académique de l'institution, en s'engageant à la fois sur des textes contemporains et en s'en remettant à de jeunes créateurs. ÉRIC VIGNER est au nombre de ceux-là. Et Savannah Bay a ouvert la saison du Français, mi-septembre. Jeudi soir, cette création coproduite par le centre dramatique-théâtre de Lorient était présentée - pour la première fois à quelques exceptions près - à la presse parisienne et nationale. Redoutable, d'autant que L'école des femmes, l'avant dernière création Parisienne du metteur en scène ne lui avait pas valu que des éloges.
Voile d'or
Le rideau ne se lève pas sur Savannah Bay. Pas tout de suite. Une femme se glisse d'abord entre le voile d'or qui barre la scène com- me le solstice d'un soleil oriental et le public. En l'appelant du regard, elle laisse le silence dire l'attention, puis adresse avec détermination : "La salle a payé, on lui doit le spectacle". Ainsi parle DURAS. Le rideau de feu se lève sur un décor dépouillé et ingénieux, lisiblement marqué par le sens plastique de VIGNER : espaces d'ombre et de lumière distillée, bande sonore et images de femmes figées ou animées. Au fond, derrière un immense rideau de perles rouge-nuancé, scintillent doucement les paillettes d'une autre femme, simplement assise dans l'osier d'un large fauteuil. Le dialogue s'engage et VIGNER ouvre l'univers du souvenir qui pétri le jardin secret de MARGUERITE DURAS. Reconnaissance et transmission : "Une histoire simple de la mort d'un enfant et la disparition de l'amour dans la mort", écrit le metteur en scène.
Face à face
CATHERINE SAMIE. CATHERINE Hiegel. Face à face intime et intense. Affaires de femmes parlant d'amour, des amours. Mais aussi du théâtre, puisque SAMIE incarne une vieille actrice en bataille, en proie à ses désirs de réalité et ses choix de souvenirs. "Le spectacle est fait pour ces deux actrices. Nous sommes chez DURAS, je veux dire, avec elle", assure VIGNER. Comédienne expérimentée de la Comédie-Française - dont elle est la doyenne - CATHERINE SAMIE donne une résonance extrêmement fidèle à l'émotion du texte de DURAS. Au point que, touchée sans doute, la comédienne de grande expérience a été confrontée à une violente crise de trac lors d'une récente représentation.
Mise à nu
Écrit avec une intention de mise en scène, Savannah Bay reste bien une œuvre de DURAS. Dense et sinueuse, certes. Infinie et indéfinie, comme tirant quelque chose d'absolu. Mais, l'attention qu'il est nécessaire de soutenir est doublée par la grande émotion que l'écriture véhicule. Par son rythme, sa musicalité et les images qu'elle génère. Alors, comme le dérisoire barrage contre l'océan cède, on se laisse peu à peu envahir puis porter par la vague des mots. Les idées jaillissent dans des phrases qui claquent comme l'écume sur la pierre blanche. "L'écriture de DURAS est terriblement structurée, mesurée. C'est une partition qu'il faut déchiffrer". Les comédiennes s'inscrivent dans un délicat équilibre, sans les habituels filets du théâtre.
Fichier attaché | Taille |
---|---|
Le_Telegramme_28sept02_Savannah_Bay.pdf | 794.29 Ko |