Dernières Nouvelles d'Alsace · 25 novembre 2003 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)
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Dernières Nouvelles d'Alsace
25 novembre 2003 · Veneranda Paladino
Mémoires de Savannah
Le ressac troublant de la baie du souvenir y cadença le souffle durassien exhalé par Catherine Samie et Catherine Hiegel, de la Comédie-Française: Savannah Bay était au Carreau à Forbach.
Devant et derrière ce rideau de perles ondule l'irisation bruissante d'une mémoire. Miroitement aux couleurs multiples, comme autant de facettes révélant Savannah Bay. Cette apparente simplicité du verbe durassien, façonnée par l'amour, la mort, l'enfant défunt. Telle une boucle lancinante, répétitive, ce poème entraîne dans son tourbillon les deux Catherine, Samie et Hiegel. Et se déroule le fil de leur voix, sans que l'on sache trop bien où l'on va. Une direction orientale s'affirme, menant vers la pierre blanche, la mer aux reflets captivants. Le voyage en terre de Siam. Récurrence entêtante.
Une projection introspective
La plus jeune (ré)veille l'aînée. Présence à l'autre, contre absence à soi. Entre renaissance et assouvissement, Catherine Hiegel sert de béquille. Éclairant miroir offert au visage parcheminé de l'autre, indispensable attelle pour ce petit corps aux cheveux blanchis, "cette comédienne de théâtre, la splendeur de l'âge du monde". La passion des amants chantée par Piaf donne la pleine saveur de l'amour absolu qui de Savannah Bay à La Douleur, et à L'Amant assurément - traversa la vie comme l'oeuvre de Marguerite Duras. Aux amants répond la mélodie d'India Song. De musiques en musiques, les fils de la mémoire s'effilochent, s'embrouillent recomposent un passé fragmenté. Le film tourné avec Henry Fonda remonte à la surface, quelques mots aussi contre l'inanité des choses : "Au théâtre, on ne joue pas vraiment", martèle Samie. Et d'autres images taraudent cette projection introspective, et celle, photographique, qui couvre le fond de scène où Duras apparaît tenant dans ses mains le visage d'une jeune femme riante. Doubles ou guides? Éric Vigner remet Duras en scène dans une économie de moyens qui laisse le plateau vivre au rythme des voix et des corps des grandes dames du Français. C'est avec une véritable fidélité qu'il emprunte les allées durassiennes, et après avoir un jour monté La Pluie d'été - c'est d'ailleurs à cette occasion qu'il rencontra l'auteure, et se lia d'amitié avec elle il inscrit cette version de Savannah Bay au répertoire de la Comédie-Française. Et quand les rideaux tombent, qu'ils soient d'or ou de lumière, les monceaux de perles vertes et rouges reconstruisent des bancs de varech échoué là. Dans les filets de la baie du souvenir.
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