Lire · Décembre 2002 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)
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Décembre 2002 · LAURENCE LIBAN
Une autre Duras
Marguerite Duras s'est prise au jeu du théâtre avec bonheur. Elle y a trouvé comme un prolongement de son oeuvre romancée, une chambre de lumière où, plus encore que ses mots, ses silences s'incarnaient enfin. Dramaturge finalement convaincue, Duras a exploré tous les genres, y compris le boulevard (Suzanne Andler en 1969) ou la pièce politique (Un homme est venu me voir en 1968). Mais comment départager son théâtre de sa littérature ou de ses films ? Faut-il cantonner Agatha ou Savannah Bay aux scènes et réserver Les eaux et forêts ou La musica deuxième aux comédiens ?
La singularité de Duras est là aussi. Dans ce geste large qui fait lever les mêmes thèmes, suscite la même profondeur d'émotion, le même mystère : de l'amour à la séparation et au deuil, de l'enfance à l'absence, l'écrivain trouve sa voix. Voix plurielle où se mêlent les timbres devenus mythiques de Michael Lonsdale, de Bulle Ogier et de Madeleine Renaud, qu'elle mit en scène elle-même, dans Savannah Bay. En donnant cette pièce à la Comédie-Française (jusqu'au 5 janvier), le metteur en scène Éric Vigner rompt avec les tentations évanescentes ligotant l'œuvre durassienne dans des filets de voix. Et en choisissant deux comédiennes à l'énergie bien trempée (Catherine Samie et Catherine Hiegel), il prend le risque de déplaire. Mais devant le somptueux rideau de perles où se lisent toutes les variations de l'œuvre, il lui ouvre une dimension plus forte, plus drue, plus charnelle.
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