La Dépêche du Midi
8 octobre 1994 · Espérance GIRAL.
Le théâtre de l'exclusion
Trois superbes acteurs et un joueur de cornemuse dans un théâtre à l'italienne. Il fallait bien ces ingrédients à Éric Vigner pour porter sur les fonts baptismaux le texte difficile de
Reviens à toi (encore), de Grégory Motton. Même le public — rare — qui en Albigeois aime à suivre les aventures risquées du théâtre d'avant-garde a ressenti quelque frayeur aux premières minutes d'un texte aux lisières de l'hermétisme. Souhaitons que ce type de programmation ne vise pas, dans son impact, qu'un effet d'image sur une élite parisienne.
Quoi qu'il en soit, le propos de Grégory Motton est si fort et poignant qu'il est difficile de ne pas basculer dans l'univers étrange de ces exclus de la société dont on peut se demander où ils puisent l'énergie suffisante pour survivre.
Des situations de dérive sociale aussi invraisemblables que douloureuses, méme les pays dits développés en génèrent de plus en plus. Les mettre en scène, c'est courir le risque de faire sombrer le public dans la sinistrose. Eric Vigner mérite un coup de chapeau pour oser un tel défi surtout en temps de crise où ceux qui achètent un billet de spectacle prennent bien plus un ticket pour le réve qu'une pilule pour la déprime.
Bravo à Bruno RaffaeLli au ton et au jeu scénique d'une magistrale justesse juque dans la boue, à Alice Varenne déchirée et déchirante dans son rôle de jolie fille perdue d'avance et Marilu Marini aux accents de tragédienne.
Sur le fil du rasoir, ils s'approprient un texte très dur, hâché, comme s'il avait perdu de sa fluidité originelle. Peut-étre des effets de style voulus dans l'anglais de Grégory Motton et difficiles à resservir en français.