FEDERICO FELLINI 1989
ET VOGUE LE NAVIRE est l'exacte transition entre deux périodes de cinéma. Évocation parfois surréaliste d'un monde disparu, à la teinte indiscutablement fellinienne, le film multiplie les allusions au cinéma muet, grande époque du cinéma qui fut aussi la grande époque des transatlantiques, et de manière générale à ce qui serait la "théâtralité" propre au cinéma: décors en carton-pâte, machinistes, ... en un hommage appuyé à cette immense usine â rêves que fut Cinecittà, le plus grand studio d'Europe.
"Je tourne en studio pour exprimer une réalité subjective dépouillée d'éléments réalistes contingents, inutiles. La représentation cinématographique a besoin d'un espace qui soit semblable à ta sphère imaginaire. Un exemple: les lieux de l'enfance, revisités par les adultes, nous semblent plus petits par rapport au souvenir. Si tu veux raconter cette impression, cette stupeur et ce sentiment d'irréalité, il faut que tu recrées cette dilatation des proportions qui advient naturellement dans l'enfance. Tu as donc besoin d'un espace à éclairer, à obscurcir, à dilater, rétrécir ; un espace où placer ces signes connotatifs d'un lieu qui doit être aussitôt reconnaissable et qui doit être en même temps perçu comme sentiment."
L'histoire de E LA NAVE VA :
En juillet 1914, une croisière est organisée à l'occasion des funérailles d'une cantatrice célèbre. Ses cendres doivent être déposées sur une île. La croisière comprend un équipage des plus hétéroclites, transportant notamment un rhinocéros, symbole absurde ou signifiant selon les interprétations, ainsi que des chanteurs lyriques, des vieux musiciens érudits plus ou moins décadents, un grand Duc Allemand, etc. Ces passagers seront rejoins par des naufragés Serbes qui apportent avec eux leur musique et leur danse populaires. S'opposent alors musique savante sclérosée et musique populaire vivantee. Le système est en réalité plus complexe qu'une simple opposition et interprétable de mille et une manières. L'image du bourgeois de l'époque, qui chante alors que son règne tombe, est évoquée par l'image de l'ochestre du Titanic. La tonalité général du film reste comique, entrainante. La musique y tient une part très importante, on a pu d'ailleurs parler de film-opéra (hommage à l'opéra italien). Elle est faite notamment d'arrangements d'opéras de Verdi ou d'oratorios de Rossini par G. Plenizio, mais aussi de chants populaires d'Europe centrale, etc.