L'Express · 24 octobre 2002 · SAVANNAH BAY
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L'EXPRESS
24 octobre 2002 · Laurence Liban
SAVANNAH BAY
C'est juste une histoire de temps : faire passer ladite "petite" musique de MARGUERITE DURAS du suggestif à l'impératif.
"Je vais chanter cette chanson et vous, vous répétez les paroles". ordonne Catherine Hiegel à Catherine Samie. Et la chanson d'Edith Piaf s'élève, royale et nue, dans le silence. À l'opposé, il y eut Madeleine Renaud et Bulle OGIER pour qui DURAS avait écrit Savannah Bay, et puis Gisèle Casadesus et sa fille Martine Pascal. Douces épiphanies.
Version 2002. ÉRIC VIGNER fait naître une énergie, une brutalité, une trivialité, parfois, qui évoquent plus un combat qu'un lever de souvenirs. Entre les deux femmes - l'une, comédienne qui ne sait plus, l'autre, la fille de sa fille, qui l'amène à se souvenir - il lance un rideau de perles mouvant, accrochant la lumière, le jour, la nuit et le sang en larges coulées bruissantes.
Le rideau comme un personnage. Le rideau comme la mémoire irisée et cruelle, jeté en travers de la scène et tombant soudain, tandis que l'évocation de la mort approche. Mort d'une jeune femme et d'un grand amour, suicide par noyade, tandis qu'au berceau vagit le nourrisson orphelin. Catherine Hiegel en robe rouge agite la muleta de son corps bien balancé devant la vieille actrice. "Souviens-toi !" dit la robe rouge. Et elle se souvient, peut-être.
Éric Vigner, qui a vécu une véritable amitié avec Marguerite DuraS fait entrer Savannah Bay au répertoire du Français, dans le mouvement d'une beauté plastique inouïe. Au-delà d'une sécheresse de touche un peu appuyée dans le jeu, on est émus, troublés. Témoins discrets d'une histoire d'amour entre une vieille femme qui n'est plus et un jeune homme qui n'a rien oublié.
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