L’ILLUSION COMIQUE · 2015
Présentation
En décembre 2015, Éric Vigner clôture vingt ans de vie et de théâtre à Lorient. Vingt ans de décentralisation théâtrale, vingt ans de création à Lorient, vingt ans de découverte et d’accompagnement de jeunes artistes, vingt ans de transmission, vingt ans de présence artistique sur le territoire.
Pour fêter ces vingt ans à Lorient, Éric Vigner re-crée L’Illusion comique de Pierre Corneille, la pièce avec laquelle il a inauguré le CDDB en 1996, un chef-d’œuvre du théâtre classique français sur la vertu du théâtre et sa "nécessaire utopie". Dans L’Illusion comique, fervent plaidoyer pour le théâtre, Pierre Corneille joue avec les codes de la narration, mélange les genres — tonalités farcesques, accents élégiaques, motifs tragiques — pour faire la démonstration du propos qui l’anime. Et cette pièce écrite en 1636, qui entrelace tous les genres du théâtre qui existe alors, impressionne aussi par la vigueur de son propos. Une réflexion d’une étourdissante modernité sur la quête d’identité, sur les choix que l’on fait pour s’affranchir du désir des autres, sur la réconciliation entre les pères et les fils...
Extrait du parcours
En décembre 2015, Éric Vigner clôture vingt ans de vie et de théâtre à Lorient. Vingt ans de décentralisation théâtrale, vingt ans de création à Lorient, vingt ans de découverte et d’accompagnement de jeunes artistes, vingt ans de transmission, vingt ans de présence artistique sur le territoire. Pour fêter ces vingt ans à Lorient, Éric Vigner re-crée L’Illusion comique de Pierre Corneille, la pièce avec laquelle il a inauguré le CDDB en 1996, un chef-d’œuvre du théâtre classique français sur la vertu du théâtre et sa « nécessaire utopie ».
"Il s'agit d'une magnifique histoire d'amour. De l'errance d'un père à la recherche de son fils, perdu par sa faute. De l'histoire d'un fils fragile, peut-être. En mal d'identité certainement. Qui finit par trouver sa vérité dans le métier d'acteur. Et du pardon enfin, de ces deux-là, qui, par le miroir du théâtre, se regardent et se trouvent.
La fable ne s'arrête pas là. Elle est une passion d'amour à la mesure même de la complexité de la vie. Parce que l'art du théâtre est l'art de simuler les choses vraies. Parce que faire du théâtre, c'est croire et dire et vouloir dire à l'humanité, à l'univers entier, qu'on est vivant!
Parce que sans ce vouloir-là, ce n'est peut-être pas la peine. Corneille nommait lui-même L'Illusion son "étrange monstre". À ce "caprice" théâtral - c'est ainsi que l'on qualifiait à l'époque des pièces de poésie, de musique, ou de peinture qui réussissaient plutôt par la force du génie que par l'observation des règles de l'art -, nous avons voulu associer un "caprice" musical dans une forme considérée bien souvent comme la plus pure et la plus accomplie : le quatuor à cordes ! Il ne s'agit pas de faire entendre un accompagnement musical ou de créer un fond sonore sur une histoire racontée, mais bien de voir à l'œuvre quatre musiciens contemporains travaillant à l'élaboration d'une dramaturgie musicale, de la même façon que l'on élabore une dramaturgie théâtrale.
Ces deux "caprices" se croiseraient à l'infini dans un mouvement alternatif perpétuel, prenant place tour à tour dans le réel ou l'illusion du théâtre sans jamais peut-être se rencontrer, comme l'on dit de ces mondes parallèles qui ne se rejoignent jamais. L'Illusion est un œuvre mystérieuse : gageons que le théâtre et "les caprices de l'Art", s'ils ne savent résoudre l'énigme, sauront la révéler."
BÉnÉdicte Vigner
Dans L’Illusion comique, fervent plaidoyer pour le théâtre, Pierre Corneille joue avec les codes de la narration, mélange les genres - tonalités farcesques, accents élégiaques, motifs tragiques - pour faire la démonstration du propos qui l’anime. Et cette pièce, écrite en 1636, impressionne aussi par la vigueur de son propos. Une réflexion d’une étourdissante modernité sur la quête d’identité, sur les choix que l’on fait pour s’affranchir du désir des autres, sur la réconciliation entre les pères et les fils...
"Il ne s'agit pas du tout de voir dans L'Illusion comique une idée du théâtre didactique ou du théâtre à thèse, ou même du théâtre moralisant. C'est l'expérience théâtrale, dans sa totalité et en elle-même, qui est pour ainsi dire démontée par Corneille sous nos yeux et qui se démontre elle-même comme génératrice de santé et de bonheur. Car le fond de l'expérience théâtrale n'est rien d'autre, aux yeux de Corneille, que le fond même de la sagesse humaniste : Connais-toi toi-même, pour vivre en accord avec ta véritable nature et être heureux. Grâce au miroir magique que lui tend Alcandre, Pridamant cesse de se méconnaître, et découvre que l'amour qu'il porte à son fils lui importe davantage que des préjugés ridicules."[1]
Marc Fumaroli
"« Le difficile est de finir, c’est toujours la même chose, la mort ou la sage-femme » dit Mesa dans Partage de midi. Il n’y a pas d’achèvement dans le travail d’un artiste, chaque œuvre en appelle une autre mais il faut pourtant marquer la fin d’un cycle, celui de Lorient. Fermer le livre comme on l’a ouvert. Reprendre la mise en scène qui a initié ces vingt ans et entendre une nouvelle fois les derniers mots de Pridamant, le père dans L’Illusion comique qui pardonne à son fils de l’avoir quitté pour vivre sa passion dans ce chef-d’œuvre baroque à la gloire du théâtre et de sa vertu nécessaire. « Croyez qu'à l'avenir mon âme en gardera l'éternel souvenir. »"[2]
ÉRIC VIGNER
[2] Les affiches du Théâtre de Lorient réalisées par M/M (Paris) depuis 1996, commentées par Eric Vigner, Bénédicte Vigner et Mathias Augustyniak, Les Presses du réel 2015
© Photographies : Alain Fonteray
Textes assemblés par Jutta Johanna Weiss