DÉCAMÉRON · Carte blanche
"Les années de la fructueuse incarnation du fils de Dieu avaient déjà atteint le nombre de mille trois cent quarante-huit lorsque dans l'excellente cité de Florence, belle par-dessus tout parvint la mortelle pestilence."
BOCCACE, LE DÉCAMÉRON
"Que faire quand la peste, en détruisant les liens sociaux, familiaux, amicaux, amoureux, interdit la vie? Comment l'avenir est-il possible? Comment peut-on trouver la façon de survivre avec nos morts? BOCCACE écrit le DÉCAMÉRON, une oeuvre comme un monde créé à l'initiative d'une petite compagnie de jeunes gens qui décident de quitter la ville de Florence (sauver/se sauver) pour se raconter des histoires, des contes, des nouvelles dans un lieu qui est véritablement celui de l'utopie. Avec la parole comme moyen d'échapper à la mort, se construit une mémoire (d'un monde en train de mourir, celui du Moyen-âge), qui devient la matrice indispensable à toute Renaissance. Comme si vivre ensemble pouvait être encore possible, comme si, d'une journée à l'autre, on faisait chaque fois le lien entre l'aube et le crépuscule. Nous voulons encore croire avec BOCCACE que l'art est nécessaire, sous peine de mort, parce qu'il est la possibilité de questionner le monde et par-là même de l'inventer par le biais de l'oeuvre, et à l'intérieur de celle-ci, par des histoires racontées qui sont comme autant de petites mises en scène. Pour que le théâtre soit un moyen d'échapper à la mort, il faudrait inventer un théâtre de la vie c'est à dire le théâtre même du DÉCAMÉRON gouverné par le plaisir de l'amour et du désir. Un théâtre qui, mêlant le public et l'intime, ainsi que le poétique et le politique, se crée collectivement. Une fête sensuelle et spirituelle des morts. Où trouve-t-on cette puissance de la vie et comment la communique-t-on? C'est ce que l'on cherchera au cours de cette Carte Blanche que l'on souhaiterait être, autant que possible, une expérience poussée dans toutes les directions du corps poétique. Avec un petit groupe de comédiens, on tentera ainsi de retracer le parcours existentiel, verbal et corporel de la compagnie du Décaméron. Et puisque l'on travaillera en Bretagne, la question sera plus que jamais de savoir pourquoi et comment l'on se raconte des histoires."
BÉRANGÈRE JANNELLE, juillet 1998.