Élégies pour jeunes amants · Olivier Dhénin
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CORRESPONDANCES
Ce sont donc quatre temps de musique. Pour une seule et même ère musicale traversée par le metteur en scène et dramaturge Olivier Dhénin et sa compagnie Winterreise - ce tournant du XIXe au XXe siècle éminemment romantique qui célèbre le sentiment et approfondit une nouvelle sensibilité basée sur l’expression des émotions laisse un héritage considérable. Au moment de composer son cycle, Olivier Dhénin a arrêté son choix sur quatre compositeurs emblématiques de la Mitteleuropa. De Richard Wagner à Gustav Mahler, d’Alexander Zemlinsky à Arnold Schönberg, leurs compositions sont autant de chants d’amour qui exaltent la passion incandescente, les tourments des sentiments contrariés et les déchirements de la vie même. Car leurs partitions ne mentaient pas. Dans la vie, ces compositeurs se consumaient littéralement d’amour pour leurs muses. Richard Wagner pour Mathilde Wesendonck, Arnorld Schönberg pour Mathilde Zemlinsky, Alexander Zemlinsky (le frère de cette dernière) mais aussi Gustav Mahler pour cette Alma Mahler qui faisait décidément tourner les cœurs… Elles furent les égéries de musiciens fertiles qui étaient aussi, à leurs heures éperdues, des âmes amoureuses et douloureuses.
1857 Richard Wagner compose les Wesendonck-lieder. Amoureux de Mathilde Wesendonck, l’épouse d’un de ses mécènes, il décide de mettre en musique les poèmes de la jeune femme afin de la voir régulièrement. Il interrompt alors son travail à la Tétralogie pour se consacrer à Tristan et Isolde, œuvre inspirée en partie par les sentiments contrariés des deux héros trouvant écho dans sa relation impossible avec Mathilde. Deux des lieder sont d’ailleurs nommés par Wagner Études pour Tristan et Isolde.
1875 Gustav Mahler est admis au Conservatoire de Vienne. Richard Wagner est au faîte de sa gloire. En 1876, Wagner effectue plusieurs voyages à Vienne où il est accueilli comme un dieu par les élèves du Conservatoire, dont Hugo Wolf (1860-1903), condisciple de Mahler auquel il a fait découvrir la musique du maître de Bayreuth : « J’ai été initié à la merveilleuse musique (de Wagner). C’était Tannhäuser, exécuté en présence du grand Richard Wagner lui-même. Je n’ai pas de mots pour décrire. Tout ce que je peux dire, c’est que je suis devenu fou. J’ai applaudi à m’écorcher les mains. Penser à la musique de ce grand maître suffit à me mettre hors de moi, et je suis devenu wagnérien ! » (Lettre du 22 novembre 1875).
1895 Alexander Zemlinsky fait la connaissance d’un violoncelliste qui, quoique médiocre, semble habité d’un feu intérieur : Arnold Schönberg. Il le prend comme élève et lui apprend tout. Schönberg tombe amoureux de la sœur de Zemlinsky, Mathilde, et l’épouse en 1901 resserrant encore plus les liens quasiment filiaux qui se sont tissés entre Zemlinsky et lui.
1897 Création de la Sécession à Vienne par Gustav Klimt, Alfred Roller, Koloman Möser, Carl Moll. La belle-fille de ce dernier, Alma Schindler, fille du peintre paysagiste viennois Jakob Schindler, assiste à leurs réunions et est l’objet de tous les regards, elle qui, à tout juste dix-sept ans, a déjà la réputation d’être la plus belle femme de Vienne. C’est à Klimt qu’elle donne son premier baiser : « Alma est belle, intelligente, spirituelle. Elle a tout ce qu’un homme peut désirer, et cela à profusion. Je crois qu’elle deviendra une maîtresse femme où qu’elle aille dans le monde des hommes… Ne trouves-tu pas compréhensible qu’à certains moments, le cerveau ne fonctionne plus correctement et soit embrouillé en sa présence ? » confie le peintre à Carl Moll. Alors qu’il pourchasse Alma jusqu’à Venise, Gustav Mahler est nommé directeur de l’Opéra de Vienne en 1898. Arnold Schönberg déclare son amour à Mathilde Zemlinsky en lui composant La Nuit transfigurée en 1899.
1900 En février, Zemlinsky fait la connaissance d’Alma Schindler qui figure parmi ses élèves. Elle a entre temps quitté Klimt. Zemlinsky en tombe éperdument amoureux (« Je vous veux avec tous les atomes de mes sentiments ! ») et Alma semble lui rendre son amour. On en vient à parler de fiançailles. À l’automne tout semble encore possible, mais Mahler fait son apparition dans la vie d’Alma et gagne ses faveurs. Dans La Petite Sirène, son poème symphonique, Zemlinsky cherche, dit-on, à exorciser son chagrin en s’identifiant à la Sirène repoussée par le Prince. La figure d’Alma continua de hanter Zemlinsky des années durant, notamment sous les traits de la Princesse de son opéra Le Rêveur, en 1906 puis sous ceux de la cruelle Infante du Nain en 1922.
1907 Mort de la fille aînée de Gustav et Alma Mahler, trois ans après la composition des Kindertotenlieder qui apparaissent douloureusement prémonitoires. Démissionnaire de l’Opéra de Vienne, Mahler part pour New York où il a été nommé directeur musical du Metropolitan Opera. Il commence la composition de ce qui sera sa dernière œuvre : Le Chant de la terre.
1909 Composition d’Erwartung (L’Attente) par Arnold Schönberg sur un texte d’une jeune poète, Marie Pappenheim (1882-1966). « Toute recherche tendant à produire un effet traditionnel reste plus ou moins marquée par l’intervention de la conscience. Mais l’art appartient à l’inconscient ! C’est soi-même que l’on doit exprimer ! S’exprimer directement ! Non pas exprimer son goût, son éducation, son intelligence, ce que l’on sait, ou ce que l’on sait faire. […] Seule l’élaboration inconsciente de la forme, qui se traduit par l’équation : forme = manifestation de la forme, permet de créer de véritables formes. » (Arnold Schönberg à Vassili Kandinsky, 24 janvier 1911). Cette référence à l’inconscient s’applique particulièrement bien au monodrame Erwartung, sublimation de la mort d’Isolde : une femme pénètre dans une forêt nocturne à la recherche de son amant qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs jours. Elle se perd, retrouve le chemin qui conduit à la maison de l’amant et finit par trouver le cadavre de celui qu’elle cherche. Elle tente de le ramener à la vie et lui parle comme s’il était encore vivant, lui reprochant amèrement de lui avoir été infidèle. Impossible d’occulter la référence à la récente expérience de Schönberg dont l’épouse Mathilde avait eu une liaison avec le peintre Gerstl, qui se suicida quand elle se résolut à rejoindre son mari.
1913 Vienne. Gustav Mahler est mort deux ans auparavant. La symphonie viennoise n’est plus. Une musique nouvelle va voir le jour. Schönberg se rallie à l’Expressionnisme et scandalise le Musikverein. Stravinsky écrit Le Sacre du printemps qui provoque une révolution au Théâtre des Champs-Élysées. Alma rencontre le peintre Oskar Kokoschka, et devient sa maîtresse. Il peint La Fiancée du vent — « Chère Alma, nous sommes éternellement unis dans ma Fiancée du vent ». À l’origine, le tableau devait s’appeler Tristan et Yseut. Alors que le peintre perd peu à peu la raison, Alma Mahler le quitte et épouse l’architecte fondateur du Bauhaus, Walter Gropius, en 1915.
1922 Composition de la Symphonie lyrique de Zemlinsky sur des poèmes de Rabindranath Tagore. Le thème du renoncement à l’amour qui rôde dans les poèmes de Tagore évoque le souvenir d’Alma Mahler tout en offrant un miroir au Chant de la terre de Gustav Mahler. Mathilde, sœur de Zemlinsky et épouse de Schönberg, meurt l’année suivante.
1924 Création d’Erwartung de Schönberg à Prague, sous la direction d’Alexander Zemlinsky. « Alexander Zemlinsky est celui à qui je dois presque toutes mes connaissances de la technique et des problèmes compositionnels. J’ai toujours cru fermement qu’il était un grand compositeur, et je le crois toujours aussi fermement. Son temps viendra peut-être plus tôt qu’on ne le pense. Je ne connais aucun compositeur post-wagnérien qui a pu satisfaire avec autant de noblesse aux exigences du théâtre. Ses idées, sa forme, sa sonorité ainsi que chaque tournure viennent directement de l’action, de la scène et de la voix du chanteur, avec une netteté et une précision de la plus haute qualité. » — Schönberg, 1949
1938 Anschluss. Alma Mahler s’enfuit et se refugie en France avec son nouveau mari depuis dix ans, l’écrivain Franz Welfer. La musique de Mahler est interdite par le régime nazi qui la qualifie de « dégénérée », tout comme celle d’Arnold Schönberg et Alexander Zemlinsky qui s’exilent aux États-Unis.
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