Note d'intention · Eunji Peignard-Kim · ARRIVAGE

Note d'intention · Eunji Peignard-Kim · ARRIVAGE
Note d'intention de la plasticienne
Note d’intention & entretien
Eunji Peignard-Kim
2004
CDDB-Théâtre de Lorient
Langue: Français
Tous droits réservés

Note d'intention · Eunji Peignard-Kim

La mémoire liée au Quai des Indes repose sur un socle qui est à la fois réel et imaginaire. De la nomination des lieux à ses matériaux, le quai nous renvoie à un ailleurs distant dans l'espace mais aussi dans le temps. Le temps des embarquements et des débarquements se dilate de voyages en voyages, d'ici à là-bas, d'hier à aujourd'hui.

Les marchandises du voyage ont transité par ce lieu, se sont dispersées, se sont arrêtées avec le souvenir de passagers particuliers : animaux exotiques, exportés pour les plaisirs étonnés d'une royauté à distraire. Puis avec l'âge de la raison scientifique, les muséums, en un rêve encyclopédique, ont étendu leurs collections au dernier des coléoptères des Indes.

Par le titre de Arrivage, j'ai voulu réunir des œuvres (créées sur plusieurs années et en différents lieux) pour cette exposition au Pôle Image sous la tutelle de cette mémoire particulière. Les choisir a été un moment privilégié qui m'a permis d'insister sur les enjeux du regard face à leur représentation.

Dans l'emboîtement des lieux et des imaginaires, le CDDB, à travers le Pôle Image, m'a proposé ce grand réceptacle à la mémoire très contemporaine, celle des studios de cinéma. Espaces modulaires, aux lumières « artificielles », dans la stratification plane des décors, tout ici se prête au regard.

Dans la profondeur de champ des Ateliers Leurenn, j'ai bâti mon espace et disposé mes travaux en jouant des ombres, des lumières et de ces deux mémoires : cet ailleurs voyageur et marchand du Quai des Indes et cet autre ailleurs, celui des images et des étendues de l'illusion.

Pour établir ces présences, je les ai revêtues de la forme qui les incarne dans mes recherches depuis plusieurs années, et qui est celle de l'animal. L'animal, par sa matérialité, sa taille, sa classification, sa duplication, sa consommation, sa préservation, est devenu le révélateur et le vecteur de positionnements et d'ambiguïtés propres au fait d'être animal et/ou d'être humain.

Ces présences recherchées s'obtiennent grâce au temps propre au dessin qui permet à la figure d'advenir dans une matérialité graphique. Cette lente apparition concentre le regard de celui qui, au plus près, de crayon en crayon, capture et domestique tout à la fois les magies et les frontières de la représentation.

Une représentation qui tente de se saisir de ce jeu de miroir, qui renvoie le spectateur à ces présences données et à ses propres résistances interrogeant ses facultés de perceptions par le simple fait de regarder.