La Querelle de L'ÉCOLE DES FEMMES · ODILE FALIU
Le succès de L'ÉCOLE DES FEMMES à sa création par la troupe de Molière, en décembre 1662, fit naître une violente polémique qui dura jusqu'en 1664. Tout au long de sa carrière, MOLIÈRE fut en butte à des attaques diverses dirigées contre lui par des auteurs concurrents, des comédiens rivaux de l'Hôtel de Bourgogne, des grands personnages et des groupes influents comme celui des dévots.
L'ÉCOLE DES FEMMES fut l'objet d'une cabale mondaine, d'abord alimentée par la jalousie des acteurs de l'Hôtel de Bourgogne, adeptes du grand genre et opposés au naturel prôné dans les comédies de MOLIÈRE, que le roi appréciait. Boileau se fait l'écho de ces attaques dans les Stances qu'il adresse à MOLIÈRE en janvier 1663 et dont il prend le parti. Le gazetier Loret rapporte dans la Muse historique du 13 janvier 1663 à la fois le succès de la pièce "qui fit rire Leurs Majestés / Jusqu'à s'en tenir les côtés" et la fronde soulevée "en plusieurs lieux". Les attaques portaient principalement sur les emprunts de MOLIÈRE à Scarron et Straparole (sources attestées de L'ÉCOLE DES FEMMES), sur la construction de la pièce, et se mêlaient à des accusations d'obscénité.
Avec Donneau de Visé, dans ses Nouvelles nouvelles, publiées début février, c'est une attaque en règle contre MOLIÈRE et principalement sa pièce de l'École des femmes, dissertation hostile sous forme d'un dialogue reconnaissant néanmoins quelques qualités à l'auteur. Entretemps, la pièce est publiée, MOLIÈRE prépare une réponse aux attaques ; sa troupe reçoit 4000 livres du roi et lui-même une pension de 1000 livres. MOLIÈRE fait jouer le 1er juin 1663 la Critique de l'École des femmes, répondant aux attaques en faisant rire aux dépens de ses détracteurs : comédiens et auteurs jaloux, courtisans ridicules, hypocrites et faux dévots...
Donneau de Visé répond et fait publier anonymement Zélinde, ou la Véritable Critique de L'ÉCOLE DES FEMMES, qui raille à nouveau "cette méchante comédie" (4 août 1663), tandis que les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne font jouer à la fin de l'été le Portrait du peintre ou la Contre-critique de L'ÉCOLE DES FEMMES, dû à l'auteur Boursault, protégé de Corneille, entraîné par les ennemis de MOLIÈRE à des attaques personnelles : sur ses faiblesses dans le genre tragique, sur son mariage récent et le couple qu'il forme avec la jeune Armande Béjart, sur Madeleine Béjart qu'une chanson indécente raillait, etc.
MOLIÈRE riposte, et protégé par le roi, fait jouer devant la Cour l'Impromptu de Versailles (18/19 octobre 1663), nouvel épisode de la "guerre comique", réponse méprisante et définitive de l'auteur à ses ennemis. Ceux-ci firent encore durer la querelle quelque temps mais MOLIÈRE ne leur répondra plus. Les derniers épisodes de cette bataille littéraire sont marqués par les attaques des acteurs Montfleury père et fils, le premier écrivant un placet au roi calomniant MOLIÈRE, le second écrivant et faisant jouer l'Impromptu de l'Hôtel de Condé (décembre 1663). L'auteur Charles Robinet a écrit un soi-disant Panégyrique DE L'ÉCOLE DES FEMMES , ou Conversation comique sur les oeuvres de M. de MOLIÈRE, publié tardivement (janvier 1664), diatribe reprenant les griefs développés depuis un an, tandis que Donneau de Visé réplique à MOLIÈRE par sa Réponse àl'Impromptu de Versailles, ou la Vengeance des marquis, publiée dans les Diversités galantes (décembre 1663). La querelle s'achève par deux textes provenant de défenseurs de MOLIÈRE : Jean Simonin, dit Chevalier, acteur du théâtre du Marais et auteur des Amours de Calotin, tournant en ridicule les adversaires de MOLIÈRE (février 1664) ; Philippe de La Croix, la Guerre comique ou la Défense de L'ÉCOLE DES FEMMES (mars 1664), plaidoyer sincère qui donnait à l'auteur comique violem m ent attaqué le dernier mot. Enfin, Louis XIV, parrain du premier fils de MOLIÈRE, Louis, lors du baptême célébré le 28 février 1664, lui avait réaffirmé avec majesté sa très haute protection.