Actualité de la scénographie
Octobre 1999 · JEAN CHOLLET
"Jouer une scène c'est d'abord la dire". Cette phrase de Louis Jouvet, semble avoir inspiré ÉRIC VIGNER dans sa mise en scène de la pièce de Molière. Ou tout au moins en être le point de départ, pour mettre à nu un texte en retrouvant la ponctuation intérieure du langage qui met les corps en mouvement, et introduire sous le couvert de la comédie les cheminements de l'enfance et de l'amour. Débarrassée des clichés qui lui sont souvent accolés, le récit prend sous la conduite sagace et mesurée d'ÉRIC VIGNER une intensité renouvellée, notamment par l'éclairage porté sur le personnage d'Arnolphe, amoureux sincère brisé par l'échec de son rêve congugal, auquel Bruno Rafaelli magnifique, prête dans son obstination aveugle des accents émouvants.
Mais toute la représentation affiche une belle unité, pour traduire les relations et les caractères des personnages dans un monde dominé par les hommes. Avec une interprétation brillante : Johanna Korthals Altès (Agnès), Éric Ruf (Horace), Jean-Claude Drouot (Chrysale), Catherine Samie (Georgette), qui trouvent un équilibre subtil pour échapper à la convention en jouant avec les signes et les métaphores, prolongés dans les oppositions des costumes de Pascale Robin, et le décor de bois clair ajouré à plusieurs niveaux de Claude Chestier ; qui mise aussi sur la transparence dans l'évocation de la maison d'Arnolphe devenue la cage qui retient Agnès. Avec les ponctuations d'un trio musical, voici un Molière dont les tonalités se déploient dans une rencontre métissée passionante entre la parole et l'écoute.
(Comédie-Française en alternance)