L’ÉPREUVE
Note d’intention · Jean-Pierre Miquel
Nous venons donc de célébrer le tricentenaire de la naissance de MARIVAUX.
1739-1740. MARIVAUX écrit et fait jouer "LES SINCÈRES" et "L'ÉPREUVE". La plus grande partie de son oeuvre est déjà derrière lui, et ce sont les deux dernières pièces qu'il donne au Théâtre des Italiens. Il a cinquante ans, beaucoup écrit, beaucoup vécu... observé, compris.
Il va encore plus loin dans l'étude des comportements. Ce sont bien des comédies de caractère ; mais les zones d'ombre, les ressorts cachés, inexpliqués, suggérés, sont plus nombreux, imprévus, troublants, ambigus. L'amour sert de support — presque d'alibi - pour montrer des actions et réactions psychologiques que l'on ne peut plus qualifier ni juger moralement.
Réunir ces deux pièces dans un même spectacle, c'est non seulement évoquer une période précise et limitée de l'oeuvre de MARIVAUX, mais c'est aussi confronter deux dramaturgies sensiblement différentes.
Dans L'ÉPREUVE, un personnage fabrique une intrigue, la pousse à son extrême limite et ne peut plus s'en sortir; on peut se demander pourquoi. Dans LES SINCÈRES, les personnages tentent une expérience psychologique qui les conduit à une sorte d'échec ; mais sans gravité profonde car ils ont compris leurs limites.
Dans L'ÉPREUVE, les conditions sociales et économiques ont encore un rôle déterminant. Dans LES SINCÈRES, cela n'entre plus en ligne de compte, et les individus s'affrontent à égalité; la pièce peut être sortie de son contexte historique.
On a beaucoup joué MARIVAUX ces dernières années ; c'est probablement pour son écriture unique et exemplaire, mais aussi parce que comme aurait dit Cocteau — il traite des questions graves avec une apparente légèreté, par courtoisie... envers le genre humain.